Sculptures bronze

11 mars 2007 at 15 h 22 min

Les bronzes animaliers font partie des représentations classiques en matière d’art cynégétique. Ce type de production était particulièrement en vogue au 19eme siècle, et jusqu’au début du 20eme siècle.
La ville de Paris ne comptait pas moins de 300 fonderies vers la fin du 19eme siècle, toutes spécialisées dans la reproduction d’œuvres d’art.
Voici rassemblé ci-dessous quelques œuvres sur le thème de la caille, ou de sa chasse:

Jules Moigniez (1835-1894) est un artiste Français, élève du sculpteur Comolera. Ce dernier remporte plusieurs prix lors d’expositions internationales, et s’attire rapidement les faveurs du public, séduit par le détail et la finesse de ses œuvres. Il affectionne tout particulièrement les représentations d’animaux: chiens, chevaux, oiseaux, animaux de ferme en tous genres…
Dès 1860, il prend la direction de la fonderie familiale, ou il édite ses propres œuvres. Ces dernières sont commercialisées en France, mais aussi à l’étranger. Après une dizaine années passées à la tête de l’entreprise, sa santé se détériore. Incapable d’éditer de nouvelles sculptures, il se voit obligé en 1890 de céder la fonderie. Ruiné, et acculé par ses créanciers, Il se suicide en 1894.

Jules Moigniez reste encore de nos jours peu connu du grand public. Ses œuvres sont toutefois très cotées dans le milieu des collectionneurs d’art, et font l’objet de rééditions. Paradoxe pour un artiste mort ruiné, ses bronzes atteignent aujourd’hui plusieurs milliers d’euros dans les salles de vente…

Voici rassemblés ci-dessous quelques unes de ses sculptures:

Jules Moigniez

« Caille à l’epi », Bronze doré, 16x18cm

couple de cailles à l'epi

« Couple de cailles à l’épi » Bronze à patine brune, 18×23.5cm

caille au lezard

« Caille au lezard », bronze à patine brun noir, 12x18cm

caille et souris

« Caille et souris », bronze à patine brune, 14x20cm

Ci-dessous, quelques belles représentations de notre oiseau, réalisées par d’autres sculpteurs de grand talent:

Ferdinand pautrot, la caille

Ferdinand Pautrot (1832-1874), « La caille », Bronze à patine, socle marbre, Hauteur 22 cm

braque en arrêt sur caille

Jules Bertrand Gelibert (1834-1916), « Braque à l’arrêt sur caille », Bronze à patine brune nuancée, 25 cm hauteur, largeur 43cm
(Voir aussi sur ce même auteur l’article dans la rubrique Gravures, dessins et lithographies)

Boites décorées

11 mars 2007 at 15 h 21 min

On retrouve parfois des motifs décoratifs représentant des cailles sur certaines boites. Quelques superbes exemples rassemblés ci-dessous:

boite carton décorée

Paquet de flocons de céréales illustré d’une caille, 1er tiers 20eme siècle, USA

boite métallique japon

Boite métallique aiguilles phonographe, décorée de deux cailles,
japon (années 1945-1950?)

boite métallique chine, cailles

Boite métallique décorée cailles et motifs floraux, Origine Chine (shangai),
1er tiers 20 siècle

Paul Vialar, "Le Roman des oiseaux de chasse"

11 mars 2007 at 15 h 21 min

Voici un texte de l’écrivain français Paul Vialar (1898-1996), extrait de l’ouvrage « Le roman des oiseaux de chasse », publié en 1958. Chasseur passionné, ce dernier est l’auteur de nombreux ouvrages sur ce thème (« De poil et de plume », « La caille », « Lettre aux chasseurs »…)

LA CAILLE

« Ce fut M. de Bolestac qui me fit tirer mon premier coup de fusil. Il était un ami de ma mère et je passais, cette année-là, mes vacances chez lui, dans l’Aveyron, « au château ». J’y arrivai alors qu’il sifflait son chien et partait pour la chasse. Je le suivis et, au moment où nous prenions la route, il appela : « La caille ! » Alors parut une toute petite fille ronde, aux yeux d’eau, qui surgit de derrière le mur de la ferme.
– Tu as encore ton sale fusil, papa, dit-elle. Tu vas encore tuer des bêtes ?
M. de Bolestac rit
– Des cailles, oui. Mais voici Jean, que tu ne connais pas. Sa maman, souffrante à Paris, nous l’envoie pour deux mois. Cela va te faire un compagnon.
La filette me prit la main et M. de Bolestac passa devant nous.
Nous fûmes bientôt devant un champ de blé, appelé le champ d’Alcor, que fauchait une machine attelée d’un cheval. Le travail tirait à sa fin et il ne restait plus qu’une longue bande, très étroite, d’épis. M. de Bolestac dit
– Nous arrivons à temps. Nous allons voir s’envoler les cailles. Elles sont, pour sûr, réfugiées au coeur de ce qui reste.
On n’entendait plus que le bruit de la faucheuse mécanique qui couchait les javelles. Très vite ce qui restait du champ rétrécissait. Et soudain, il y eut un envol d’ailes blondes : une caille. M. de Bolestac, calmement, la laissa s’éloigner, épaula, tira. Le petit oiseau tomba dans le chaume. M. de Bolestac expliquait, tout en le ramassant
– Tu as vu les quatre petits qui partaient de l’autre côté ? Oui. Eh bien ! ils ont profité pour le faire de ce que je m’occupais de leur mère. Elle s’est sacrifiée pour les sauver.
Et Danièle – son père l’avait surnommée « la caille » à cause de son corps potelé – me soufflait, dents serrées
– Papa ne les aura pas. Ils sont partis. Leur mère a donné sa vie pour eux comme une bonne caille qu’elle était.
Elle saisit l’oiseau dans sa main, et je vis comme un rubis minuscule, au coin de l’oeil, fixe maintenant, apparaître une goutte de sang. (…) »

Fable: "La caille et la perdrix"

11 mars 2007 at 15 h 20 min

Voici un texte extrait des « Fables » (publié en 1777) de Jean Jacques François Marin Boisard (1744-1833), fabuliste français.
Il s’agit d’une jolie fable ayant pour thème les discussions d’une caille et d’une perdrix. La caille essaie de convaincre cette dernière que le seul moyen d’ échapper aux terribles dangers qui l’attendent si elle reste est de migrer avec elle vers d’autres pays.

La caille et la perdrix

La terre avait perdu les riches ornements
Dont la blonde Cérès avait paré les champs.
Forcés d’abandonner leurs champêtres asiles,
Les perdreaux dispersés se croisaient dans les airs ;
Mille et mille ennemis divers
Poursuivaient à l’envie les pauvres volatiles.
Mère perdrix dans ce revers
Se promenait toute éplorée,
Appelant par ses cris sa famille égarée :
Abandonnez ces lieux à leurs maître pervers,
Dit une jeune caille, et par delà les mers,
Venez ainsi que nous chercher une patrie,
Où nous puissions du moins conserver notre vie.
L’esclavage et la mort dans ces champs dévastés,
Nous poursuivent de tous côtés…
Entendez vous gronder le tonnerre de l’homme,
Qui retentit sur les coteaux !…
Et son lâche ministre, instrument de nos maux,
Le chien, le voyez vous qui rampe sur le chaume !…
De notre seul refuge on a su nous priver !
Des griffes de l’autour qui pourra nous sauver ?
Hélas ! quand  nous pourrions échapper à la force,
Qui nous garantira d’une perfide amorce ;
Et comment nous soustraire à ces lâches filets
Dont nous couvrent la nuit nos ennemis secrets ?…
Croyez moi, ma voisine, imitons l’hirondelle,
Elle vient de quitter ce solide palais
Qu’elle avait sur le roc construit à si grand frais,
Et pour bâtir au loin fend l’air à tire d’aile.
Le Rossignol, jadis la gloire de nos champs,
Dont les humains jaloux admiraient les accents,
Fut lui-même forcé par leur ingratitude
D’abandonner sa solitude :
Et nous, vil peuple hélas!sans faire aucun effort,
Sur ce chaume rasé nous attendrons la mort !…
Quel climat n’a jamais habité la misère,
Reprit la tendre casanière ?
Croyez que dans tous les pays
On trouve des autours ou l’on voit des perdrix ;
La trahison, la force ont par toute la terre,
Sans doute, à la faiblesse par tous temps fait la guerre.
Vous ne connaissez pas encore tous nos maux ;
Je prévois de plus grand fléaux.
Nous avions jusqu’alors au moins la subsistance ;
Les trésors de Cérès des avides humains
Remplissent désormais les vastes magasins ;
Avec l’hiver hélas ! la famine s’avance !
J’ai déjà vu ces jours d’horreur,
Dont l’automne est l’avant coureur !…
De neige et de glaçons la terre était couverte ;
La nature fermant son sein,
Refusait aux oiseaux jusqu’au moindre grain ;
Les éléments semblaient conspirer notre perte…
Par bonheur, à l’hiver succéda le printemps ;
Je vis bientôt renaître (et même dans des champs
Stériles jusqu’alors) des moissons abondantes :
Je vis croître en tous lieux des forêts verdoyantes,
Dont le soleil d’été, propice à nos souhaits,
Jaunissait par degrés les fertiles sommets ;
Le chaume nous donna le couvert et le vivre ;
La chaleur sous nos toits n’osa plus nous poursuivre ;
Et le bonheur revint habiter les guérets.
On oublia bientôt la peine et la tristesse,
Pour se livrer à la tendresse.
Je fus mère dix fois (je dois m’en souvenir)
Dans ces champs dont en vain vous voulez me bannir.
Quel qu’en soit le danger, quelques maux que j’endure,
Je ne puis les quitter sans que mon cœur murmure.
J’ose encore me flatter que de nouveaux zéphyrs
Ramèneront la paix l’amour et les plaisirs ;
Et tant que j’en aurais l’espérance chérie,
Rien ne peut m’arracher au sein de ma patrie.

Jean Jacques François Marin Boisard, « Fables » (1777)

sculpture de Rene Floch

11 mars 2007 at 15 h 20 min

Jean René Floch est un chasseur breton, membre du club national des bécassiers. C’est aussi un artiste amateur qui a réalisé de nombreuses sculptures sur bois.
Vous pouvez admirer quelques unes de ses oeuvres (notamment des bécasses en bois peint) exposées sur son site:
http://jeanrenefloch.monsite-orange.fr/index.html

A ma demande, ce dernier a bien voulu réaliser une sculpture en bois peint représentant une caille des blés, que je trouve très réussie.

Sculpture caille

Albert Merat, la caille

11 mars 2007 at 15 h 19 min

Albert Merat (1840-1909) est un poète français.

Albert Merat

Ce dernier a publié en 1880 le recueil « Poemes de Paris, Parisiennes, tableaux et paysages parisiens » dont le poème ci dessous est extrait:

La caille

A Anatole France

Bien des matins quand je passais
Au même tournant de la rue,
Dans ce cadre gris à l’excès
La campagne m’est apparue

Une caille près d’un rosier
(Le printemps venait de renaître)
Chantait dans sa cage d’osier
Sur le rebord d’une fenêtre

Un irrésistible désir
Porte sans fin vers la lumière
L’aile sans espace à saisir
L’aile obstinée et prisonnière.

Dans ces cages aux barreaux blancs,
Sans la toile qui clôt leur faîte,
Aveugle et fou dans ses élans,
L’oiseau se briserait la tête.

Il veut sa claire liberté,
En s’épuisant à cette lutte,
Il chante et jette au ciel d’été
Ses trois douces notes de flûte.

A paris, dans le bruit banal
Ce chant d’oiseau charmait mon rêve
Au feu du soleil matinal
Je voyais le blé vert qui se lève

J’avais les pieds dans les genêts
Et sur mon front l’azur superbe
Les fleurs des prés, que je connais,
S’ouvraient comme les yeux de l’herbe.

Bien mieux encor que dans les chants
Du bouvreuil et de la linotte,
C’était le poème des champs
Évoqué par la triple note.

Je passe encor là quelquefois…
La fenêtre est toute pareille
-Qu’est devenu l’oiseau ? Sa voix
N’arrive plus à mon oreille

La prison, ce mortel tourment,
Plus ou moins vite blesse et navre,
Un matin s’est, clair et charmant,
Levé sur le léger cadavre.

"La caille et le lion"

11 mars 2007 at 15 h 18 min

Voici une très jolie fable africaine extraite du livre « Fables sénégalaises recueillies de l’ouolof et mises en vers français, avec des notes destinées à faire connaître la Sénégambie », rédigé par M. le Bon Roger et publié en 1828.

Le lion et la caille

Un lion plein de feu, d’audace et de jeunesse,
Las de sa force et du repos,
Défiait tous les animaux.
« Je ne crains, disait il dans sa fougueuse ivresse,
Ni le monstrueux éléphant
A la trompe terrible, à la dent redoutable ;
Ni l’immense Boa, ce reptile géant,
Qui semble un grand palmier renversé par le vent
Ni le crocodile effroyable,
Tyran de la terre et des eaux ;
Ni la formidable panthère,
Féroce sans besoin, par instinct sanguinaire;
Ni l’Hiene recherchant la nuit et les tombeaux
Pour cacher son œil louche et sa faim funéraire.
Je suis le maître de la terre,
Je suis le roi des animaux.
Pour me le disputer nul n’est d’assez téméraire;
Rien ne peut m’effrayer, m’émouvoir. » – A ces mots,
Une caille blottie et qui dormait dans l’herbe,
Réveillée en sursaut par cette voix superbe,
Sous le pas du lion s’envole brusquement,
Décrit ses deux crochets, et fuit comme le vent.
Le lion tout surpris fait un pas en arrière !

Ainsi d’un pauvre oiseau le vol précipité
Suffit pour arrêter ce lion téméraire,
Lui qui se proclamait naguère
Seul ne redoutant rien et partout redouté.

Pourquoi tant d’orgueil, de fierté ?
Tu bravas en héros les périls de la guerre ;
Oui, mais devant un souffle, un rien, une chimère,
Echouera ta témérité.

Antonio Pisanello, Madone à la caille

11 mars 2007 at 15 h 18 min

Voici un tableau célèbre de Antonio Pisanello, peintre et médailliste italien (1395-1455), « la madone à la caille ». Ce dernier, daté de 1420, est exposé au musée de Castelvecchio, à Vérone (Italie).
La caille est magnifiquement représentée aux pieds de la vierge. Détail curieux: les regards de la vierge marie et de l’enfant jésus convergent vers elle, et en font un des personnages central du tableau.

Madonne à la caille, Pisanello

Ivan Tourgueniev, La caille, impressions d’enfance

11 mars 2007 at 15 h 17 min

Ivan Sergueïevitch Tourgueniev (1818-1883), était un écrivain Russe.

Portrait d'Ivan Tourgueniev

Il est l’auteur de nombreux romans, nouvelles, et pièces de théâtres sur le thème du respect des droits de l’homme (sa critique du servage, encore en vigueur à cette époque là en Russie, lui vaudra un séjour en prison). Ce dernier à beaucoup voyagé en Europe (Berlin, Londres), et finit par s’installer définitivement en France à partir de 1857, ou il fréquente assidument les milieux littéraires. Il était notamment l’ami, de Gustave Flaubert et d’Emile Zola.
La nouvelle, »la caille, impression d’enfance », à été publiée pour la première fois en 1883. Cette dernière était intégrée au recueil « Souvenirs d’enfance ». Tourgueniev manifeste dans ce récit une grande sensibilité, et une compassion attendrie pour les animaux, que l’on retrouve dans plusieurs de ses poèmes.

La caille, impressions d’enfance

« (…) Mon père était un chasseur passionné. Dès que ses travaux lui laissaient un moment,- si le temps était beau, -il prenait son fusil, passait sa gibecière, sifflait son vieux Trésor pour aller chasser la caille et la perdrix. Il méprisait les lièvres -bons tout au plus, disait il d’un air de mépris, pour les chasseurs à courre. C’était là, avec les bécasses qui passaient en automne, tout le gibier qu’on rencontrait chez nous.
Mais les cailles et les perdrix étaient fort nombreuses; les perdrix surtout. En suivant la pente des ravins, on rencontrait à chaque instant les petits creux de poussière sèche où elles se blottissaient. Le vieux Trésor tombait aussitôt en arrêt; sa queue tremblait, la peau de son front faisait des plis mouvants ; et mon père pâlissait pendant qu’il relevait avec précaution le chien de son fusil. (…) Que n’aurais je pas donné pour tirer moi-même, pour tuer aussi des cailles et des perdrix ! Mais mon père m’avait expliqué que je n’aurais pas de fusil avant l’âge de douze ans, que mon fusil serait à un seul coup et que l’on me permettrait seulement de tirer des alouettes.(…)
Une autre fois, je partis avec mon père pour la chasse; c’était la veille de la saint Pierre. A cette époque de l’année, les jeunes perdrix sont encore petites; mon père ne voulait pas les tirer, il entra dans un hallier de chênes, sur la limite d’un champ de seigle où l’on trouvait toujours des cailles. Comme il n’était pas commode de faucher dans ce hallier, l’herbe y avait librement poussé depuis longtemps, ainsi que des myriades de fleurs, vesce, trèfle, campanule, myosotis, œillet sauvage.(…) Tout à coup Trésor tomba en arrêt; mon père cria: « Pille ! » Sous le nez même de Trésor une caille partit en s’envola. Mais elle volait d’une façon étrange, culbutant, tournoyant, retombant à terre, comme si elle eût été blessée à l’aile. Trésor courut sur elle à toutes jambes… ce qu’il ne faisait jamais quand l’oiseau volait de son allure ordinaire.
Mon père ne pouvait tirer, craignant que le chien n’attrapât du plomb. Tout à coup je vis Trésor faire un bond plus brusque et, crac, saisir la caille, qu’il apporta à mon père. Mon père la prit et la posa sur la paume de sa main, le ventre en l’air. Je me précipitai vers lui.
« Qu’est ce qu’il y a ? Lui dis je ; elle était blessée ?
-Non, me répondit mon père ; mais elle doit avoir son nid avec des petits tout près d’ici, et elle a fait semblant d’être blessée pour que le chien, pensant qu’il l’attraperait facilement…
-Et pourquoi faisait-elle cela ?
-Afin d’attirer le chien loin de ses petits; après quoi, elle serait partie en volant à tire- d’aile. Mais cette fois elle a manqué son affaire; elle a trop joué la comédie et Trésor l’a prise.
-Alors elle n’est pas blessée? Demandais-je encore.
-Non…, mais elle ne vivra pas… Trésor doit lui avoir donné un coup de dent.»
Je m’approchais pour voir la caille de plus près. Elle était immobile sur la paume de la main de mon père; sa tête pendait; son œil noir me regardait de côté; et tout d’un coup je fus pris d’une grande pitié! Il me sembla que la pauvre bête me regardait et pensait: Pourquoi donc faut-il que je meure? Pourquoi? N’ai-je pas rempli mon devoir? J’ai essayé de sauver mes petits, d’entraîner le chien plus loin, et me voila prise! Pauvre de moi! Pauvrette! Cela n’est pas juste; non, cela n’est pas juste!
« Papa! peut être qu’elle ne mourra pas! M’écriai-je en essayant de caresser la tête du petit oiseau.»
Mais mon père me dit:
« Elle mourra. Tiens, regarde: dans un moment, ses pattes vont se raidir, tout son corps tressaillira et ses yeux se fermeront. »
En effet les choses se passèrent ainsi. Quand ses yeux se furent fermés, je me mis à pleurer.
« Qu’est ce qui te prend? me dit mon père en éclatant de rire.
-Je la plains… répondis- je. Elle à fait son devoir, et on l’a tuée. Ce n’est pas juste !
-Elle a voulu jouer au plus rusé, répliqua mon père; mais Trésor a été plus malin qu’elle.
-Méchant Trésor! pensai-je… (Et en ce moment il me sembla que mon père lui-même n’était pas bon.) Il n’y a pas de ruse là dedans! C’est de l’amour pour ses chers petits, et non pas de la ruse! Si elle était force de jouer la comédie pour sauver ses petits, alors il ne fallait pas que Trésor pût la prendre! »
Mon père voulait mettre la caille dans sa gibecière; mais je le priai de me la donner. Je la mis sur mes deux mains, je la réchauffais de mon haleine, espérant que peut être elle se réveillerait; mais elle ne bougea pas.
« Tu perd ton temps, mon ami, me dit mon père. Tu ne las ressusciteras pas. Vois- tu comme sa tête pend? »
Je soulevai doucement la tête par le bec; mais aussitôt que je le lâchai, elle retomba.
« Tu as toujours pitié d’elle ? Me dit mon père.
-Et qui nourrira ses petits?» demandai-je à mon tour.
Mon père me regarda attentivement.
« Ne t’inquiète pas, me répondit-il; c’est le mâle, c’est le père, qui les nourrira. Mais attends… Voilà Trésor qui se met de nouveau en arrêt. Si c’était le nid?… Justement c’est lui.»
En effet… Entre les tiges d’herbes, à deux pas du museau de Trésor, j’aperçus quatre petites cailles qui se serraient les unes contre les autres le cou tendu; elles respiraient si vite qu’on aurait dit qu’elles tremblaient. Elles avaient déjà non plus du duvet, mais des plumes ; les queues seulement étaient encore très courtes.
« Papa! Papa criai-je à tue-tête… Rappelle Trésor! Il va les tuer aussi ! »
Mon père rappela Trésor et alla s’asseoir un peu à l’écart sous un buisson, pour déjeuner. Mais moi, je restai près du nid, en refusant de manger. Je tirai de ma poche un mouchoir blanc sur lequel je mis la caille… « Regardez pauvres orphelins! Voilà votre mère! elle s’est sacrifiée pour vous.» Les petits, comme tout à l’heure, respiraient rapidement, palpitant de tout leur corps.
Je m’approchai ensuite de mon père.
« Tu me fais cadeau de cette caille? lui demandai-je
-Si cela te fait plaisir… Mais que veux-tu en faire ?
-Je veux l’enterrer.
-L’enterrer ?
-Oui, là, tout près du nid. Donne-moi ton couteau pour que je creuse sa petite fosse.
-Pour que ses enfants aillent prier sur sa tombe ? me dit mon père étonné.
-Non, répondis-je; mais cela me ferait plaisir. Elle sera bien là, à côté de son nid.»
Mon père chercha son couteau et me le donna, sans ajouter un mot. Je me mis aussitôt à creuser la petite fosse. Je baisai la caille sur la poitrine, je la plaçai au fond du trou, et je répandis de la terre dessus. Puis, avec le même couteau, je coupai deux petites branches que je dépouillai de leur écorce; j’en fis une croix en les fixant avec un brin d’herbe, et je plantai cette croix sur la tombe.
Nous nous éloignâmes bientôt mon père et moi; mais je me retournais à chaque pas… La croix était blanche et se voyait de loin.
La nuit suivante, je fis un songe: il me sembla que j’étais dans le ciel, et voilà que j’aperçus, sur un petit nuage, ma caille elle-même seulement elle était toute blanche, comme cette croix. Et elle avait sur la tête une petite auréole d’or, sans doute en récompense de ce qu’elle avait souffert pour ses enfants.
Quatre ou cinq jours après, je retournai avec mon père au même endroit. L’emplacement de la tombe me fut indiqué par la croix, qui avait un peu jauni, mais qui était restée debout. Mais le nid était vide: pas la moindre trace de petits. Mon père m’assura que le mâle les avait emportés ailleurs; et lorsque, quelques pas plus loin, le mâle sortit d’un buisson, mon père se garda de tirer sur lui… Et moi je pensais: « Non ! papa n’est pas méchant ! »
Chose singulière, à partir de ce jour ma passion pour la chasse tomba complètement, et je ne songeai même plus au fusil que mon père m’avait promis. Plus tard il est vrai, quand je fus devenu grand, je me mis à chasser aussi ; mais je ne fus jamais un véritable chasseur. »

Edouard Traviès

11 mars 2007 at 15 h 17 min

Edouard Travies (1809-1869) est le frère cadet du dessinateur caricaturiste Charles Joseph Travies (1804-1859). Après avoir réalisé quelques dessins satyriques, il se spécialisa assez rapidement sur les représentations d’animaux sauvages et d’insectes. Après quelques expositions, il fut rapidement reconnu comme l’un des meilleurs peintre animalier de son époque. A ce titre, il reçut de nombreuses commandes de dessins afin d’illustrer des livres sur le thème de la chasse, ou celui des sciences naturelles.
Parmi ces ouvrages figurent notamment les 14 volumes de « l’Histoire Naturelle » de Buffon, une nouvelle fois rééditée en 1848, ainsi que le dictionnaire universel d’histoire naturelle de Charles D’Orbigny en 1849.
Edouard Travies à surtout représenté des oiseaux vivants, placés dans leur milieu naturel. Paradoxalement, ce dernier est resté célèbre pour ses remarquables natures mortes mettant en scène des oiseaux de chasse. A ce titre, Edouard Travies est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands artistes cynégétiques du 19eme siècle.

Edouard travies

« La caille, la mésange bleue et le rouge-gorge »

Gravure caille des blés, E.Travies
caille, traviès

travies gravure relief

Vanneau, caille et pluvier doré

Voici une autre jolie gravure, en couleur, de caille des blés. Cette dernière représente une femelle entourée de 5 petits, dans ce qui semble être les herbes d’un pré. Ces derniers semblent âgés d’une semaine environ, et peuvent probablement déjà voleter.
Cette dernière est signée Edouard Travies, et Fournier.

gravure encadrée caille

Edouard Travies