Retention d’odeur ?

15 juin 2007 at 21 h 24 min

La rétention d’odeur est un phénomène controversé, et finalement assez peu abordé dans la presse cynégétique. Il s’agirait d’un mécanisme de défense, adopté par certains oiseaux, consistant à retenir les émanations face à un prédateur (et notamment à un chien d’arrêt). On admet que certains gibiers, comme la bécasse, adoptent couramment ce genre de comportements. C’est en réalité un phénomène beaucoup plus large qui concerne également les perdreaux, mais aussi les cailles.
Jean Castaing aborde très prudemment ce sujet dans un article intitulé « Quand le gibier perd son odeur », publié en septembre 1969 dans « Le chasseur Français ». Il définit ce phénomène, qu’il ne tient pas pour absolument certain, bien que constaté par bon nombre de chasseurs au chien d’arrêt .« Il s’agit du fait que des chiens ayant fait amplement preuve de leurs qualités et confirmés sur le gibier qu’ils chassent, détectent la présence d’un tel gibier par leur manière habituelle, le mettent à l’essor, et au point de chute ou de pose du gibier, ces chiens ne retrouvent rien, ne sentent rien, alors que ledit gibier s’y trouve, ainsi que le constatent les chasseurs.(…)»
Ce dernier illustre son propos de quelques exemples concernant la chasse de la caille. Le scénario est bien souvent le même: la caille est arrêtée par le chien. Après avoir été levée dans un chaume, cette dernière soit parce qu’elle est à été manquée, soit parce qu’elle n’a pu être tirée, va se reposer plus loin. Malgré le fait que le chasseur ait exactement repéré le point de pose de l’oiseau, le chien ne parvient pas à le retrouver et à l’arrêter. Cela arrive également quant un oiseau, après avoir été tiré, tombe « comme une pierre », et que le chien, malgré ses efforts ne parvient pas à le retrouver.
Jean Castaing conclut plus loin que ce genre de mésaventure se produit souvent par temps ce chaleur, « et est souvent imputée à la sécheresse, à la chaleur , à la pluie, à l’insuffisance de nez du chien ».

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Même si ces explications sont parfois satisfaisantes, il arrive aussi que ce phénomène ait lieu par temps normal, et avec un chien expérimenté de surcroît, ce qui entraîne quelques interrogations supplémentaires.
Certains auteurs émettent l’hypothèse qu’en raison de l’augmentation de la pression de chasse, et des profonds changements causés par l’agriculture moderne dans les paysages, le gibier à radicalement modifié au cours du siècle dernier ses tactiques de défense.
Robert Flament-Hennebique relève notamment dans son ouvrage, « le poil de la bête », qu’avant 1925 le gibier était « facile » et souligne de très nets changement dans le comportement des perdrix grise. Cela serait dû selon lui au brusque passage d’une polyculture traditionnelle, avec ses assolements et ses haies, à l’agriculture moderne actuelle et ses grands espaces, obligeant le gibier à adapter son mode de défense. Ces modifications de comportement sont également souvent décrites concernant la perdrix rouge, que l’on dit beaucoup plus piéteuse qu’autrefois, et aujourd’hui quasi inabordable pour les chiens d’arrêt sur des reliefs accidentés.
En est-il de même pour la bécasse et la caille avec la rétention d’odeur?
Les écrits de certains chroniqueurs cynégétiques du 19eme siècle, et même du début du 20eme siècle, m’ont souvent surpris. Beaucoup d’auteurs expliquent qu’il n’est pas grave de rater une caille, car on est presque toujours assuré de la retrouver et de la relever. Cassasolles écrivait, par exemple, à propos de la caille: « Elle remise à peu de distance et est très facile à retrouver. »
J’ai souvent constaté, pour ma part, que les cailles manquées essaient, quasi systématiquement, de se remiser dans les récoltes les plus proches, ce qui exclut dans la grande majorité des cas tout espoir de les relever, la chasse dans les récoltes étant bien entendu interdite. Même lorsque la caille se pose à découvert, dans un chaume, le chien à souvent beaucoup de mal à la relever de nouveau.
La très grande fréquence de ces affirmations, qui contredisent complètement ma propre expérience de ce gibier, et celle de nombreux chasseurs spécialisés, me font penser que l’espèce a progressivement modifié son comportement au cours du 20eme siècle, probablement en raison du développement de la chasse au chien d’arrêt.
Il n’est pas irrationnel de penser que les cailles qui avaient recours à la rétention d’odeur ont plus facilement survécu, et qu’elles ont transmis par la suite à leur progéniture cet instinct. Jean Castaing écrivait déjà en 1955 à propos de la caille: « Je ne sais pas s’il existe un gibier mieux doué de la faculté de devenir inodorant quant il est tiré et manqué ou simplement contraint d’abandonner son domicile. Reposée à moins de cent mètres, à découvert, sur terrain ras, la caille est bien souvent irretrouvable. »