Pluie miraculeuse

24 juin 2010 at 21 h 32 min

Il y a une vingtaine d’années environ, vers le début du mois de septembre, je chassais dans un chaume de blé situé non loin de la ferme familiale. J’avais amené avec moi Dyane, une femelle setter anglais très expérimentée. C’était une fin d’après midi chaude et orageuse. Les sols étaient encore particulièrement desséchés et ne facilitaient pas le travail des chiens.
Après deux heures d’inspection méthodique, et beaucoup d’efforts nous n’étions parvenus à lever en tout et pour tout que trois ou quatre cailles dans un grand champ d’une dizaine d’hectares. Je n’avais pas été très adroit ce jour la, et le carnier n’était pas bien lourd… Le ciel orageux s’obscurcissait de plus en plus et les premières gouttes de pluie commençaient à tomber autour de moi. Fin d’été oblige, je n’avais qu’un simple tee-shirt sur les épaules. Je me dirigeais aussitôt vers le fond du champ afin de regagner la ferme.
Alors qu’une fine bruine commençait à tomber, je vis Dyane prendre une pose d’arrêt. Alors que je m’approchais d’elle, une caille se leva que je m’empressais aussitôt de tirer. La bruine redoublait, et à peine avais je ramassé la caille que dyane retomba à l’arrêt quelques mètres plus loin. Deux cailles se levèrent cette fois. Nouveau tir, et à peine quelques secondes plus tard, nouvel arrêt de la chienne… Chaque fois que je faisais mine de quitter le champ pour aller me mettre à l’abri, dyane trouvait d’autres oiseaux. C’était à n’y rien comprendre: des cailles surgissaient de partout, dans des endroits que nous venions pourtant d’explorer méthodiquement quelques minutes auparavant. La chienne elle-même semblait prise de frénésie devant cette abondance de gibier. Le tir n’était pas des plus aisés : les verres de mes lunettes étaient couverts de gouttelettes d’eau et je n’y voyais pas grand-chose… A ma grande surprise je vis même se lever plusieurs couvées complètes de 4 ou 5 oiseaux. Le summum fut atteint lorsque je dus sauver des crocs de ma chienne une dizaine de jeunes cailleteaux, à peine âgés de deux ou trois jours , qu’elle arrêta presque à mes pieds. Trempé, et presque à court de cartouches, je finis enfin par quitter le champ.
Tout cela me laissa quelques temps perplexe… Je parlais de cet épisode avec d’autres chasseurs des environs. Certains affirmaient qu’un passage de cailles avait dû se poser dans le champ avec la pluie. J’objectais que les cailles migrent habituellement la nuit, et que tout cela s’était passé au grand jour : aucune volée de caille n’avait pu se poser à mon insu dans le champ. De plus, comme expliquer les couvées de cailleteaux, incapables de migrer? Selon moi, la pluie fine et régulière avait tout simplement transformé en l’espace de quelques instants des conditions de chasse difficiles en conditions purement idéales, aussi bien en matière de température que d’hygrométrie. J’avais juste eu la chance d’être la au bon moment…
Cet épisode me rendit beaucoup plus modeste sur les réelles capacités de nos chiens d’arrêt à évaluer la population de cailles d’un territoire donné. L’action combinée de la chaleur, de la sécheresse, rendent parfois le travail des chiens très difficile et aléatoire. Les cailles que nous levons ne sont bien souvent que la partie émergée de l’iceberg