L’herbe à caille ou "sarretch"

5 mars 2007 at 18 h 57 min

J’ai pu observer, comme beaucoup de chasseurs, que certaines plantes adventices que l’on trouve dans les friches et les chaumes de blés semblent tout particulièrement attirer les cailles. Elles se présentent sous forme de touffes d’herbes de couleur jaune (lorsqu’elles arrivent à maturité), surmontées de petits épis. Ces derniers contiennent de nombreuses petites graines de couleur noire.
Je n’ai connu pendant bien longtemps ces plantes que sous leur surnom occitan: le « sarretch » ou « sarraï », ou celui « d’herbe à cailles ».
Le « sarretch », traduit en français, désigne une plante graminée annuelle de la famille des poacées, la setaire (ou panic) qui comprend toutefois plusieurs sous variétés. J’ai quelque peu tâtonné afin de retrouver la variété exacte…
Simon Jude Honnorat (1) traduit le mot « sarrech » dans son dictionnaire français occitan comme l’appellation locale dans le midi toulousain du Panic Verticillé. Bien que les différentes variétés de panic soient d’apparences assez proches, l’examen de plusieurs photos de panic verticillé m’ont conduit à penser que cela ne correspondait pas aux plantes que j’avais pu observer. Il y a bien sûr en premier lieu la possibilité d’une erreur d’identification de l’auteur. L’autre possibilité serait que le terme « sarrech », tel qu’il est encore usité aujourd’hui, soit beaucoup moins précis, et qu’il désigne en réalité indifféremment plusieurs variétés de sétaire (j’ai pu observer dans un champ de la proche région toulousaine au moins 3 variétés distinctes présentes dans un seul et même champ, à quelques mètres d’écart).
Sous toute réserve, la variété que j’ai le plus souvent observée dans les chaumes fréquentés par les cailles semble être « seteria viridis », ou sétaire verte.
Setaria_viridis_plant

Un pied se Setaire verte (Setaria Veridis)

Source photo: http://www.lookfordiagnosis.com

Il s’agit d’une plante sauvage, vraisemblablement à l’origine de la variété domestiquée et encore aujourd’hui cultivée « setaria italica » (surnommé aussi « millet d’Italie » ou « millet des oiseaux »).
On peut lire au sujet de la variété cultivée dans le dictionnaire des sciences naturelles (1825): « Cette espèce est originaire de l’inde et depuis longtemps cultivée en Europe, surtout en Italie, en Allemagne et dans le midi de la France (…). Ses graines servent à nourrir la volaille, les serins et les petits oiseaux que l’on élève en cage. On en fait aussi dans quelques cantons de la farine, qu’on mange cuite en bouillie avec du lait ou du bouillon. Dans les temps de disette on en fait même du pain. »
Même si la sétaire verte ne possède pas, et on le comprend aisément, tous les atouts de la forme cultivée, cette dernière est en quelque sorte, une mini céréale sauvage.

Est ce que les cailles en apprécient tout particulièrement les graines (abondantes et de petite taille), mais aussi le couvert (les deux peut être)?
J’ai prélevé des graines de Setaire directement sur des plantes, et je les ai comparées à d’autres graines que j’avais retrouvées dans des jabots de jeunes cailles immature. J’ai ainsi pu déterminer avec certitude que les graines consommées par les jeunes cailles provenaient bien de cette plante.
L’examen systématique du contenu des jabots de nombreuses jeunes cailles, m’a permis de déterminer que plus ces dernières sont jeunes, plus la proportion de graines de setaire est importante dans leur alimentation. Cette plante semble donc jouer un rôle essentiel dans l’alimentation des cailleteaux, ce qui permettrait d’expliquer la présence très fréquente de couvées aux abords de ces fameux ronds de « Sarrech ».
Autre constatation: lorsque les cailles arrivent à l’âge adulte, on ne retrouve presque exclusivement dans leur jabot que des graines de blé.

(1) « Dictionnaire provençal-français, ou, Dictionnaire de la langue d’oc » Par Simon Jude Honnorat, 1847