Gastronomie et recettes de cuisine

15 juin 2007 at 14 h 15 min

La caille est un oiseau consommé par l’homme depuis la plus haute antiquité (et probablement même bien avant…). Les témoignages sont partout:  bas reliefs égyptiens, récits bibliques, auteurs grecs et romains….
Les cailles sont en effet très réputée pour leur chair et constituent un mets de choix, particulièrement au moment de leur migration, lorsqu’elles accumulent d’importantes réserves de graisse pour pouvoir accomplir leur voyage.
J’ai essayé de rassembler dans cette rubrique des textes concernant la caille et sa gastronomie, mais aussi quelques recettes de cuisine.
En vous souhaitant à tous un bon appétit!

gravure extraite ouvrage De la caille, de Jozsef C. Dobos

Un oiseau délicat à plumer

15 juin 2007 at 8 h 15 min

Les chasseurs qui ont déjà tué quelques cailles, et qui ont eu à les plumer, savent d’expérience que ce genre de travail n’est pas toujours aisé, surtout lorsque les cailles sont bien grasses. Plumer un de ces oiseaux requiert délicatesse et attention…
Charles Diguet recommande notamment de « Plumer la caille avec grand soin, de peur de la déchirer ». Eugene Louis Blanchet ajoute : «Vous la plumerez ou la ferez plumer par des doigts délicats, en faisant attention, car la peau fine et grasse se déchire sous la traction de plusieurs plumes tirées à contre sens. »
Pour Charles Jobey, c’est un travail délicat, qui ne peut être donné qu’à une personne de confiance : « En rentrant de la chasse, allez tout droit offrir vos cailles aux dames de la maison, et priez-les de vouloir bien les plumer elles-mêmes, – gardez-vous bien de laisser ce soin à une maritorne ! Elle serait capable de tout salir et déchirer. Plumer la caille est un travail de femme, tout aussi délicat que celui de la broderie, et beaucoup plus utile que de faire des trous dans de beau linge neuf. ».
Une fois notre oiseau plumé, il reste souvent encore de petites plumes, pas toujours très faciles à enlever. Il est alors tentant, de passer les cailles à la flamme afin de finir de les éliminer, cela donnant une impression de plus grande netteté. C’est une erreur, car cela à pour effet de brûler les graisses superficielles de l’oiseau, et d’altérer une partie de sa saveur. Il faut donc s’armer de patience, et plumer notre caille jusqu’au bout….

Le coturnisme (ou la revanche des cailles?)

15 juin 2007 at 8 h 10 min

Le coturnisme est un empoisonnement provoqué par l’ingestion de chair de caille sauvages (caille des blés). Il se manifeste par les symptômes suivants: Faiblesse généralisée, fièvre, extinction de la voix, douleurs musculaires, paralysie des membres inférieurs, vomissement, décoloration des urines, gastro entérites sèvères. Des troubles cardiaques, ou des insuffisances rénales, peuvent également survenir et provoquer la mort dans certains cas.
Les symptômes surviennent dans un délai d’une heure et demie à 10 heure après la consommation des oiseaux, et persistent généralement un à deux jours (jusque 10 jours dans certains cas extrêmes).

Les cas de coturnisme ont été principalement constatés dans les régions suivantes: le nord de l’Algérie (mais aussi l’Afrique du Nord), le sud de la France, la Grèce, la péninsule su Sinaï, le sud-ouest de l’ex URSS, et le nord-est de la Turquie.
Phénomène curieux: les cas d’empoisonnement constatés en Algérie et en France sont survenus à la suite de la consommation de cailles en train d’effectuer leur migration vers le nord, au printemps. Aucun empoisonnement ne semble être survenu pendant la migration retour de l’automne (période ou les cailles sont traditionnellement chassées en France, et ou on peut donc les consommer sans danger).
Au contraire, en Grèce et dans le sud ouest de la Russie, les cas d’empoisonnement ont été constatés lors de la migration d’automne.
Ces empoisonnements sont d’autant plus étranges que rien ne permet de différencier les oiseaux sains des oiseaux porteurs des toxines, et qu’au cours d’un même repas, certaines personnes s’empoisonnent tandis que d’autres sont indemnes.

Ce type d’empoisonnement est connu depuis l’antiquité. La bible fait en effet référence dès le 7eme siècle avant JC (livre des Nombres 11, 31) à des empoisonnement par ingestion de cailles (voir article « Ancien testament: deux passages tirés de l’exode et du livre des nombre », rubrique bibliographie).

Stenay Abraham7a

Les hébreux frappés par la colère divine après leurs excès.

Certains auteurs de l’antiquité, comme Pline l’ancien, ont expliqué ces empoisonnements par le fait que les cailles ingèrent en quantité des graines de cigüe (voir article « Pline l’ancien, Histoire Naturelle », dans la rubrique bibliographie), ou certains insectes toxiques.
La grande cigüe (Conium Maculatum) est une plante herbacée bisannuelle de la famille des apiacées.
Elle pousse à l’état sauvage dans les régions tempérées de l’Eurasie, en Afrique du Nord et dans le sous-continent indien.
Toutes les parties de la plante sont toxiques. Cependant, ce sont les fruits verts qui contiennent la plus grande concentration d’alcaloïdes (et notamment la conine). La cigüe servait dans la Grèce antique à l’exécution des condamnés à mort (Socrate fut condamné à boire une potion fabriquée à base de cette plante).

Grande cigüe

Grande cigüe

Des recherches ont été conduites en 1947 sur ce sujet par le Docteur Edmond Sergent, Directeur de L’institut Pasteur d’Alger.
Ce dernier à gavé pendant plusieurs jours des cailles sauvages avec des graines de cigües fraiches, préalablement broyées. Les oiseaux n’ont manifesté aucun signes d’intoxication. Tuées quelques jours après, les cailles ont été vidées et servies légèrement rôties à des chiens. Ces derniers ont manifesté entre 2 et 4 heures après le repas des signes d’intoxication (perte d’équilibre, parésie pattes postérieures). Le Dr Sergent remarque cependant que l’intoxication ne se produit que lorsque les chiens consomment des oiseaux nourris avec des graines fraiches. Aucun symptômes n’apparait lorsqu’ils consomment des cailles nourries avec des graines de cigüe récoltées et séchées depuis plusieurs mois.

De nouvelles recherches, menées en 1980 (Kennedy, Louis Grivetti EL. Toxic quail: a cultural-etiological investigation of coturnism. Ecol Food Nutr 1980;9:15-42.) ont semblé remettre en question la piste de la cigüe. Lors de nouvelles expériences, il est apparu que les oiseaux nourris avec des graines de cigüe, ou des insectes toxiques, succombaient peu après. On remarquera cependant qu’elles ont été menées sur des cailles japonaises, et non pas sur des cailles des blés (comme l’avait fait le Dr Sergent).
Il est donc possible que la caille des blés ait développé au fil du temps une résistance aux graines de cigüe, contrairement aux cailles japonaises (la cigüe ne figure pas dans l’aire de répartition naturelle de cet oiseau).

Fait plus troublant, les scientifiques ont constaté que dans certaines zones géographiques ou les empoisonnements sont survenus, la grande cigüe, dont les graines sont présumées responsables des intoxications, n’est pas toujours présente.
Les graines d’une autre plante, de la famille des menthes, l’épiaire annuelle (Stachys annua) pourraient être en cause. Ces dernières ont été retrouvées par des chercheurs russes dans les intestins de plusieurs cailles ayant directement provoqué des empoisonnements.

Epiaire annuelle (stachys annua)

Epiaire annuelle

Photo publiée avec l’aimable autorisation du site: http://perso.orange.fr/erick.dronnet/index.htm
Aucune étude complète n’ayant encore été réalisée sur le sujet, le coturnisme reste donc une forme d’empoisonnement mystérieuse, et encore aujourd’hui partiellement inexpliquée.

Ouverture 2007: premières impressions

8 juin 2007 at 21 h 35 min

Les anglais ont leur « Glorious twelve » (12 août) pour l’ouverture de la grouse. Plus modestement, j’ai mon dernier week-end d’août avec l’ouverture anticipée de la caille, que je ne raterais pour rien au monde…
Je suis arrivé par train tard dans la nuit afin d’être au rendez vous. Juste le temps de préparer mon fusil et quelques cartouches avant de me coucher. La nuit est courte…
De bonne heure le lendemain je me rends dans un grand chaume situé à quelques centaines de mètres de chez moi avec deux de mes setters anglais.
En route, j’observe les champs alentours. Les chaumes sont particulièrement rares cette année, et je constate avec tristesse que de nombreux agriculteurs ont mis à profit les dernières pluies pour les broyer.
Honneur aux anciens: May à droit au premier tour. Les cailles du matin dans la rosée ne tiennent pas toujours bien l’arrêt, et il faudra toute l’expérience de mon vieux setter et ses arrêts de marbre si je veux prendre quelques photos.
Je me dirige directement vers la bordure au fond du champ que je sais être la plus favorable.
Il est sept heures: les herbes sont encore envahies de rosée, et je regarde le soleil monter doucement derrière la colline. Quand je tourne la tête, May est déjà à l’arrêt. Il est immobile à cinquante mètres de moi, à demi couché dans le chaume herbeux et je sais déjà à son attitude que la caille est tapie à un mètre à peine de lui.

premier arrêt saison 2007 sur cailles

Je souris en pensant: « Elles sont la! ». Je m’avance vers lui, puis je passe doucement devant le chien. Une caille fait un magnifique départ enroulé à un mètre de moi, et s’enfuit à tire d’aile vers le tournesol voisin. Je la salue en vain de trois salves. Je grimace un peu: pas en forme ce matin! Mauvais présage?
Quelques coups de feu commencent à éclater dans la campagne, signal que l’ouverture est bien lancée. May insiste sur la bordure. Un groupe de quatre cailles se lèvent hors de portée au seul bruit du chien et se remisent dans le tournesol. Dommage!
La rosée rend le travail difficile par endroit. May ralentit un peu et m’indique la présence d’oiseaux sans trop savoir ou ces derniers se trouvent. Une caille décolle. J’épaule, je tire… Elle plonge à la limite à du champ, tuée net. Je la ramasse et je constate qu’il s’agit d’un magnifique petit mâle. Ma première caille de la saison…

Photo caille

Sans s’attarder sur ce premier succès, le chien repart immédiatement. Il continue d’insister et multiplie les passages, ratissant conscienscieusement l’étroite bordure. Quelques instants après May se fige une nouvelle fois à l’arrêt.

2eme arrêt de May

Deux cailles giclent brusquement et partent dans des directions opposées. Mon premier tir fauche immédiatement la première. J’ai le temps de me retourner et d’abattre la seconde dans la foulée. Je fonce la ramasser tandis que May me rapporte impeccablement le premier oiseau: Il est en effet très facile d’égarer les oiseaux blessés ou morts.
Encore deux petits mâles! Cela va mieux… Un peu rassuré par ce doublé je poursuis ma route.
Sur le coup de huit heures, des petits groupes de chasseurs arrivent d’un peu partout dans la campagne. Cinq, six voitures fourgonnette passent l’une derrière l’autre devant le chaume. Leurs conducteurs sont des chasseurs et je vois ces derniers ralentir et scruter les chaumes. Fini la tranquillité! Deux groupes de trois chasseurs, sans doute attirés par le bruit de mes tirs, rentrent dans le chaume que j’occupe et je comprend vite qu’il me sera difficile de continuer à chasser dans ces conditions. Je traverse la route pour me rendre au chaume voisin espérant un peu plus de calme. Je remarque à l’angle d’un tournesol un grand tapis d’herbes qui semblent être un terrain favorable. J’y engage May qui tombe immédiatement à l’arrêt.

Arrêt à l'orée d'un champ de tournesol

Après être resté immobile quelques secondes, le chien commence à couler rapidement en direction du champ voisin. Je réalise que la caille à déja pièté en direction du tournesol encore sur pieds et s’y est mise à l’abri. Inutile de l’y poursuivre.
D’autres chasseurs continuent à arriver d’un peu partout et les deux ou trois chaumes attenants sont littéralement envahis. Cela devient une vraie foire d’empoigne! Il est vrai qu’il reste tellement peu de chaumes intacts. Ces derniers se sont rabattus par dépit sur les quelques champs restants. Leur nombre sur une si petite surface commence à friser le ridicule…
Je bat en retraite vers mon véhicule pour y ramener May.
Au tour du plus jeune, Aslan. Le jeune setter entreprend d’un galop souple et rasant d’explorer le grand chaume ou je suis revenu. Dans la campagne, les coups de fusils se sont tus. Beaucoup de chasseurs découragés par le petit nombre de cailles et les rares chaumes disponibles rebroussent chemin et remontent dans leurs véhicules aussi rapidement qu’ils étaient venus. Le calme revient progressivement…
Malgré ses efforts Aslan ne parviendra qu’à mettre à l’envol une caille dont il n’avait pas su deviner la présence. Dommage pour ce jeune chien! J’avais espéré le mettre en présence de davantages d’oiseaux. Il y aura d’autres occasions dans la saison… Il est déjà neuf heures et la chaleur monte progressivement. C’est à mon tour de partir.
Tandis que je range mon fusil dans ma voiture, mes impressions sont mitigées. C’est une « petite » ouverture, et il est évident que les oiseaux seront plus rares cette année. En 2006 j’avais prélevé neuf oiseaux (et levé plus du double) lors de ma première sortie dans ce même chaume. Peut être les passages à venir seront ils meilleurs? Je rentre néanmoins heureux d’avoir vu voler huit ou neuf oiseaux, avec quelques beaux arrêts à la clef.

Concours cailles sauvages ANCC 2014

3 avril 2007 at 10 h 00 min

Cette année encore l’Association Nationale des Chasseurs de Cailles organise un concours amateur sur cailles sauvages. Ce dernier se déroulera le samedi 19/07/2014 sur les communes de Belpech, Molandier (11) Mazeres et Gaudies (09).

affiche concours ancc 2014

Les bulletins d’engagement sont disponibles en téléchargement sur le blog de l’association:
http://chasseur-de-cailles.blog.fr/2014/04/03/concours-cailles-sauvages-ancc-18136147/

Premières arrivées

1 avril 2007 at 21 h 36 min

L’air s’est radouci depuis quelques jours et semble annoncer le printemps. J’ai deviné leur présence. Elles sont sûrement la, quelque part, invisibles, dans les blés encore verts. Enfin de retour de leur long périple africain.
Ce n’est que quelques jours plus tard, vers le soir, alors que me promenais dans le fond du jardin, que j’ai enfin eu confirmation de mes soupçons. J’ai entendu une caille chanter timidement. Au fil des minutes, l’oiseau s’est enhardi. Guidé par son chant, j’ai marché vers la friche voisine. Je me suis approché, tout doucement, presque sur la pointe des pieds, avec le secret espoir d’apercevoir le mâle debout parmi les herbes, en train de pousser son cri d’amour. Mais l’oiseau s’est brusquement tu. Un peu à regrets, je me suis alors éloigné.
Lors du dîner sur la terrasse, j’aurais beau essayer par moments de tendre l’oreille: ce soir la, je n’entendrais pas la caille chanter de nouveau.

Les jours ont passé. Je profite d’une belle après midi ensoleillée, en ce début de mois de mai, pour faire une ballade avec un de mes setters. Après avoir fait un rapide crochet dans le pré voisin, je traverse la route pour entrer dans une ancienne friche, littéralement envahie de trèfles en fleurs. L’air est doux. Je surveille du coin de l’oeil Aslan mon jeune mâle qui entreprend de déployer sa quête, sans doute à la recherche d’un couple de perdreaux.

caille dans les herbes

Tout à mes pensées, je sursaute brusquement en entendant un bruissement d’ailes. Deux magnifiques cailles viennent de se lever simultanément, presque sous mes pieds. A peine dérangées, ces dernières volent sur une cinquantaine de mètres, en décrivant un léger arc de cercle, et se reposent à la limite d’un fossé.
L’occasion est trop belle. Je siffle mon jeune mâle, qui revient au galop. Je tends le bras en direction de l’endroit ou les cailles se sont posées, afin d’orienter sa quête. Va-t-il retrouver la piste des oiseaux, qui viennent à peine de poser?
Aslan s’élance aussitôt, et balaie la zone en quelques lacets. Arrivé à la limite du champ, ce dernier ralentit brusquement, avant de prendre une jolie pose d’arrêt, subjugué par l’émanation. Il coule à présent par petite saccades, et je devine à son attitude que les cailles ont entrepris de tracer des lacets parmi les grandes herbes, afin d’égarer leur piste. Je souris en le voyant, nez collé au sol, essayant de démêler l’écheveau. La pose semble peu académique pour un setter anglais, et ferait sans doute frémir plus d’un juge de field trial.
Avec autorité, le chien se dégage et reprend sa quête. Il saute le petit fossé pour entrer dans le champ voisin, un chaume laissé sur pied dans lequel les herbes commencent à pousser.
Je songe un instant à le rappeler : Il se trompe ! Les cailles sont de ce côté ci du fossé, je les ai vues !

Aslan a l'arret sur une caille

Mais Aslan semble sûr de lui. Il parcourt quelques mètres à peine, et se fige à l’arrêt. Cette fois, il les a bloquées. L’arrêt est tendu, et seule la queue semble parcourue d’un léger frémissement.
Je franchis la séparation entre les deux champs, et je m’avance vers le chien. Les diablesses ! Après avoir essayé de semer le chien, elles ont sauté le fossé. Où sont elles ?
La réponse est instantanée: les deux cailles giclent brusquement à deux mètres du chien, et s’envolent à tire d’aile.
Un jeune couple qui s’apprête probablement à nicher. Je rappelle aussitôt Aslan, parti à leur poursuite. L’exercice a été concluant, mais je ne veux pas déranger davantage les oiseaux.
Je repars en direction de la ferme, profitant des dernières minutes de la ballade, tandis que le chien quête au loin.
C’est à ce moment précis qu’une énorme caille -presque une demi perdrix- part dans mes pieds. Je la poursuis du regard tandis qu’elle s’envole en direction d’un blé vert. Une belle caille adulte, comme les deux autres, peut être déjà en train de pondre. La rencontre de trois oiseaux en quelques minutes, sur une si petite parcelle, me parait de bon augure. Et je songe en m’éloignant que le printemps, cette année, semble décidément plein de promesses.

Un peu d’histoire…

14 mars 2007 at 12 h 00 min

J’avais été marqué, il y a une quinzaine années, par un ouvrage rédigé par l’historien Robert Delort « Les animaux ont une histoire » (1) . Ce dernier s’était attaché à reconstituer l’histoire de certains animaux: le loup, le chien, le chat, mais aussi le criquet, le rat, l’abeille, l’anophèle (une variété de moustique porteuse du paludisme)… Il montrait ainsi l’influence, parfois majeure, de certains animaux, et leur imbrication dans l’histoire humaine.

J’ai été extrêmement surpris, bien des années plus tard, lorsque j’ai découvert, par hasard, une multitude de textes sur le thème de la caille, un oiseau pourtant bien anecdotique.
Ces derniers, beaucoup plus nombreux que je ne l’avais imaginé, s’étalaient sur de grandes périodes: de l’antiquité jusqu’à nos jours.
Je me suis piqué au jeu, en essayant, très modestement, de les rassembler et de les synthétiser sous forme de thèmes (etymologie, mythologie, symbolique…).
Le résultat est bien sûr loin d’être parfait, et n’a aucune prétention scientifique ou historique. Ces articles montrent simplement que le thème de la caille des blés et de sa chasse est un sujet beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, et qu’un oiseau, aussi modeste soit il, peut avoir sa place dans l’histoire.

(1)« Les animaux ont une histoire », Robert Delort, éditions du seuil, 1984.

Apparition de l’espèce

14 mars 2007 at 11 h 45 min

Les paléontologues situent l’apparition des oiseaux modernes il y a 56 millions d’années, durant la période de l’éocène. On sait notamment que c’est à ce moment là que sont apparues de multiples espèces comme l’aigle, le pélican, le vautour… et la caille.

Et en ce qui concerne la France ? Les paléontologues disposent d’informations, notamment grâce à des fouilles menées dans les Pyrénées françaises (1). Les restes osseux recueillis dans les différents gisements étudiés ont permis d’identifier 170 espèces d’oiseaux, déjà présents au quaternaire. La présence d’ossements de cailles a été constatée sur quinze des sites étudiés, ce qui semble montrer que l’espèce était déjà bien établie à l’époque dans notre pays. On sait également, grâce à d’autres fouilles, que les hommes préhistoriques n’hésitaient pas à inscrire les cailles à leur menu.
On peut s’interroger sur le biotope originel des cailles à cette époque. Certaines espèces de céréales, comme le blé, n’existaient à l’état sauvage qu’au moyen orient, dans ce que l’on a appelé le croissant fertile. Les céréales ne sont véritablement apparues en Europe qu’à la période du néolithique, il y a tout juste 10000 ans. On peut donc supposer que les cailles vivaient à l’origine dans les prairies naturelles. L’homme a considérablement favorisé par la suite l’essor de l’espèce, en développant massivement la culture du blé en Europe.

(1) Inventaire systématique des oiseaux quaternaire des Pyrénées françaises, André Clot et Cécile Mourer Chauvire, 1986

Etymologie

14 mars 2007 at 11 h 30 min

Le mot caille est un nom féminin formé au 12eme siècle. Il serait dérivé du bas latin médiéval: Quaccola (ou quaquila). Le terme est d’origine onomatopéique: il a été formé d’après la nature du cri de l’oiseau, qu’il est censé reproduire.
Il est intéressant de remarquer que son appellation anglaise (« Quail ») dérive elle même même du vieux français « Quaille ».

gravure caille grand format

Du fait de son aire de répartition étendue, on retrouve la caille (Coturnix Coturnix Coturnix) dans de nombreux pays.
Malgré des noms d’apparence très différentes selon les différents pays et langues, beaucoup sont des onomatopées qui essaient de reproduire le cri de l’oiseau.
Voici quelques uns des différents noms de notre oiseau: Quaglia en Italie, Codorniz en Espagne et au Portugal, Wachtel en allemand, Vaktel en suédois et norvégien, Viiriäinen en Finnois, Перепел (Perepel)en russe, Kornhæna en Islandais, przepiórka en Polonais, ヨアロッパウズラ (yo-roppauzura) en Japonais, Prepeliţă en Roumain, Fürj en Hongrois, Ορτύκι (Ortiki) en Grec moderne…
Un site (the world bird database) s’est fait une spécialité de rassembler les différents noms(et parfois surnoms)des oiseaux selon les pays. On trouve également certaines langues régionales (breton, basque, catalan etc..)
Vous trouverez sur le lien suivant le mot caille traduit en 75 langues:
http://avibase.bsc-eoc.org/species.jsp?lang=FR&avibaseid=14A931F1DBCA97FF

Mythologie

14 mars 2007 at 11 h 25 min

La caille joue un rôle important dans la mythologie indienne et est mentionnée à plusieurs reprises dans le Rigveda, le plus ancien texte hindou, composé près de 2000 ans avant notre ère. Le loup dévoreur Vikra (la nuit), absorbe la lumière symbolisée par la caille (Vartikâ). C’est seulement lorsque la caille est libérée par les jumeaux divins (les Açvins) que le jour peut renaître. La libération de la caille symboliserait donc la libération de l’aurore, arrachée de la gueule des ténèbres (1). Le mot védique signifiant caille (Vartikâ) peut être traduit littéralement par « celle qui revient ». C’est une allusion évidente au cycle de migration de la caille (cette dernière part à l’automne pour revenir au printemps, période ou l’allongement des jours marque le retour de la lumière solaire), et expliquerait que cette dernière ait finalement été assimilée à l’aurore.
La caille est également mentionnée dans la célèbre épopée indienne le « Mahâbârata » (rédigée vers le IVeme siècle Av JC) sous une forme étrange: une caille monstrueuse apparaisant aux côtés du soleil. Dotée d’un seul œil, et d’une seule aile, cette dernière cracherait du sang.

La caille est également présente dans la mythologie des phéniciens: Melqart, fils de Baal et d’Astéria (Astarté), était le dieu distributeur de toutes les richesses, et le « patron » de la ville de Tyr.

stèle représentant le dieu Melqart

Le dieu phénicien Melqart

Dieu de l’industrie et de la navigation, son culte fut propagé par les phéniciens dans toutes leurs colonies. Ce dernier présidait au mouvement du soleil et au retour des saisons, et était également le dieu du printemps. Pour cette raison, on lui sacrifiait des cailles, symbole solaire de renouveau (elle représentaient le retour du printemps).
Melqart sera assimilé plus tard à l’Héraclès des Grecs et à l’hercule des Romains, bien que ce dernier soit beaucoup plus ancien.
Une légende rapporte que Melqart (qui deviendra Héraclès chez les grecs) fut tué au cours d’un voyage en Libye par Typhon, et qu’il fut ramené à la vie par Iole (Iolaos) après que ce dernier ait passé une caille sous son nez (Athénée, Banquet des Sophistes, IX, 47)…

La caille est également un oiseau présent dans la mythologie grecque.
Astérie, une des filles du Titan Coéos, se transforma en caille pour échapper aux avances de Zeus, le roi des dieux, qui s’était lancé à sa poursuite sous la forme d’un aigle. Elle finit par se jeter dans la mer pour lui échapper. A l’endroit ou cette dernière était tombée, se forma une île portant son nom: Astérie.

Jupiter change Asterie en caille

Astérie se transformant en caille afin d’échapper à Zeus (l’aigle)

Par la suite, cette île prendra son nom actuel: Délos. L’histoire ne se termine pas la toutefois…
Zeus parvint à séduire une autre des filles du Titan Coéos et de Phoebé, la belle Léto. Une version affirme que pour parvenir à ses fins, Zeus aurait changé Léto en caille, avant de se transformer lui même en cet oiseau.
Héra, l’épouse jalouse de Zeus, apprenant que les enfants de Léto et de Zeus seraient d’un rang plus important que les siens, décréta que ces derniers ne pourraient pas naître dans un lieu ou le soleil brillait. Elle entreprit également de séquestrer Ilithyie (la déesse des naissances) pour l’empêcher d’accoucher. Héra envoya également le monstrueux serpent Python afin de lui interdire l’accès de toutes les terres.
Afin de protéger Léto, Zeus fut contraint de la transformer en caille. Aussitôt, Héra interdit aux cailles d’atterrir sur terre. Zeus chargea alors Borée (le vent) de transporter Léto jusqu’à Ortygie (Littéralement: « l’île aux cailles », c’est à dire Délos). Délos était alors une île flottante non arrimée, entre la mer et le ciel, et échappait ainsi à l’interdiction d’Héra. Alors que Léto volait désemparée au dessus de la mer, L’île déserte et stérile de Délos prit pitié d’elle, et accepta de la recevoir. En contrepartie l’île fit promettre à Léto que pour échapper à la colère d’Héra, elle serait entièrement consacrée à son futur fils Apollon, et que l’on y bâtirait un temple dédié à ce dernier.
Poséidon, dieu de la mer, envoya alors une vague afin de former une voûte au dessus de l’île, et abriter cette dernière du soleil. Zeus redonna ensuite sa forme humaine à Léto. Cette dernière ne parvenait cependant toujours pas à accoucher, du fait qu’Héra persistait à séquestrer Ilithye, la déesse des naissances. Iris, messagère des dieux, parvint néanmoins à corrompre Ilithye pour que cette dernière délivre Léto, cela à l’insu d’Héra.

Leto donnant naissance à Appollon et Artemis

Accouchement de Léto

Léto put enfin accoucher d’Artémis au pied d’un palmier. A peine née, Artémis aida sa mère à accoucher de son frère jumeau Apollon. Après la naissance des jumeaux, Poséidon fixera définitivement l’île au fond de la mer au moyen de quatre piliers.
L’atterrissage de Léto, transformée en caille, sur l’île de Délos, ne doit rien au hasard. Délos (surnommée aussi Ortygia, littéralement « l’île aux cailles ») est réputée pour être un lieu de passage de l’espèce à l’époque de la migration. Le fait que Léto ait été transportée par Borée (le vent) fait aussi clairement référence à la façon de migrer des cailles. Les cailles ne sont pas de très bons voiliers et utilisent les courants aériens, qui leur permettent de franchir la méditerranée. Malgré cela, les oiseaux, épuisés par ces vols, sont obligés de faire étape. Cela explique que fréquemment, des vols entier de cailles s’abattent sur les différents îlots méditerranéens. Cette migration jouait un rôle économique important pour les populations locales qui capturaient en grand nombre les oiseaux épuisés par leur traversée de la méditerranée (pratique qui se poursuivra jusqu’au 19eme siècle).
Suite à cette légende, Léto restera étroitement associée à l’oiseau, comme l’atteste cette citation d’Aristophane (« Les oiseaux », paragraphe 851-902):« Salut encore (…) à Léto, mère des cailles ».

En échange de l’aide accordée lors de l’accouchement de Léto, Artémis obtint de son père Zeus de pouvoir aider les femmes à accoucher. Choquée par cette expérience, elle obtint également de rester vierge.

artemis

statue d’Artemis

Artémis vit à l’écart des mortels, éternellement jeune et vierge, en compagnie des Oréades (Nymphes de Montagnes). Elle est la déesse de la chasse, maîtresse des animaux et de la Lune. Munie de son arc, cette dernière chasse les animaux sauvages. En raison de son lieu de naissance (l’île aux cailles), Artémis est associée à cet oiseau.

On retrouve également la caille dans la mythologie Romaine.
La caille, selon le dictionnaire des antiquités grecques et romaines fait partie des oiseaux aux mœurs lascives (tout comme la perdrix), et est consacrée à Vénus, la déesse de l’amour.
La légende raconte que la déesse proposa même un jour aux cailles l’honneur de tirer son char. Mais les cailles, en raison de leur grande paresse, déclinèrent finalement cet honneur…
Ces oiseaux figurent sur certaines des représentions de la déesse. Les cailles étaient offertes en présent par les amants et avaient une signification amoureuse.

(1) R.Christinger, Asiatische Studien/Etudes asiatiques 1-4, 1963 : pp.125-133,Genève.