La caille au marais desséché

15 juin 2007 at 21 h 20 min

Voici une histoire de chasse savoureuse et étrange, comme on les aime… Elle a été publiée dans la revue « Le saint Hubert » en mars 1947, sous le titre « La caille au marais desséché » (C. Aubert). Elle relate une étonnante partie de chasse à la caille dans un marais.
(…) Il y a quelques années, il avait fait une sècheresse et une chaleur horribles. Pas une seule caille dans une région où elles sont communes par temps frais et humide; mais en revanche un ami m’en avait signalé dans un marais et m’avait invité à y venir faire l’ouverture.
L’emplacement de ce marais fort long mais étroit et à proximité de villages ne permet guère que l’on y chasse avant l’ouverture, car on y est trop en vue.
Le matin de l’ouverture, au petit jour, nous nous dirigeâmes donc vers le marais; nous n’étions pas seuls à savoir qu’il y avait des cailles, car devant et derrière nous ce n’étaient que chasseurs. Quelques coups de fusil ne tardèrent pas à se faire entendre. Les chasseurs criaient, des chiens hurlaient. Sur cet étroit terrain de chasse on ne comptait pas moins de cent cinquante tireurs, chasseurs de tout rang, de tout âge, tous ceux du pays et tous ceux d’alentour, jusqu’au curé de la commune voisine.
C’était le cas de dire que là le gibier était considéré comme res nullius ; mon chien leva un râle par mes pieds, il tomba mort avant que j’eusse levé mon fusil; un peu surpris de cette façon d’agir je continuai sans dire mot. Un peu plus loin quelques chasseurs cherchaient une caille que l’un d’eux venait de tirer; mon chien en trouva une en effet et me la rapporta. De temps en temps une bécassine partait, saluée d’un nombre insensé de coups de fusil! Un ou deux chasseurs et autant de chiens avaient déjà reçu des plombs.

gravure caille louis de la jarrige

Cependant nous ne faisions pas grand-chose ni les uns ni les autres et pourtant les chiens trouvaient. Par-ci par-là, mais rarement, une caille se levait et allait se remiser au fourré dans des marais non fauchés et garnis de roseaux où un chien, puis deux et bientôt quatre et cinq, ne pouvaient l’arrêter ou la relever.
Je m’éloignai un peu du gros des chasseurs pour observer mon chien, qui rencontra plusieurs fois, arrêta quelque peu, mais il ne partit jamais rien.
Je ralliai les chasseurs; une caille se levant d’elle-même alla se remiser à vingt cinq mètres dans du regain haut à peine de vingt centimètres; j’appelai vivement quelques chasseurs. Neuf d’entre eux arrivèrent et nous marchâmes à la remise en rang serré, foulant, piétinant le sol de nos larges semelles. Nous eûmes beau battre le terrain en tous sens, les chiens quêtant de leur côté, rien ne se leva.
Abandonnant mes compagnons, je gagnai une prairie récemment fauchée. Mon chien tomba à l’arrêt dans un endroit absolument dénudé.
Il était ferme sur une large crevasse occasionnée par la sècheresse. Comme à son attitude je savais qu’il ne s’agissait pas d’une bête malfaisante, j’introduisis ma main dans la crevasse.
J’en retirai une caille pleine de vie. Les cailles, terrorisées par cette avalanche de chasseurs et de chiens se terraient. (…)
Depuis cette ouverture mémorable j’ai été invité plusieurs fois à faire l’ouverture dans ce marais; il va sans dire que chaque fois j’ai pris la tangente; on tient toujours un peu à sa peau et à celle de son chien… Même quand elles n’ont pas grande valeur!»
C.Aubert

Manqué!

15 juin 2007 at 21 h 19 min

Voici une jolie anecdote de chasse publiée en décembre 1955 par de Dr Bussilet dans la revue « Au bord de l’eau, Plaine et bois »:
« Tous les ans, mon père quittait sa résidence au mois de septembre-octobre et se rendait dans son pays d’origine, dans le Jura, où avait lieu, d’habitude, un bon passage de cailles.
L’année dont je parle et dont je serais bien incapable de désigner la date exacte, il avait emmené mon frère aîné, auquel il venait de remettre son premier permis et qui, pour suivre la stricte vérité, ne se montrait pas plus adroit que notre maître.
-Rien de plus facile que le tir à la caille, lui affirma cependant mon père; c’est un oiseau qui vole droit devant lui, sans détours. Tu pourras le viser aussi longtemps que tu voudras. En plus, avec Pyram, nous en lèverons plus que nous n’en aurons envie.
Et ainsi, en effet, arriva t’il.
Soit dans un champ de pommes de terre, soit dans les luzernes ou dans les buissons, le brave Pyram se mettait à s’immobiliser et arrêtait, puis la caille partait.

h camus caille ouverture 2

Et pan…pan…, une fois…Pan…pan…, une seconde fois. Pan…pan, une troisième, et ainsi de suite!
Un berger qui se trouvait dans ces parages, entendant tous ces coups de fusil, rappliqua à son tour avec l’idée de juger des coups.
Pan…pan…, continuérent le père et le fils.
Pan…pan…pan…
Pan…pan…pan…pan…Et alors ce petit berger insolent qui, au début, avait gardé son sérieux, partit, tout à coup, d’un rire irrésistible.
Pan…pan…
Manquo! s’écriait il.
Pan…pan…pan…
Encore Manquo!
Pan..pan…pan…pan!
Toujours manquo!
Si bien que le père et le fils avaient passablement honte, il faut le dire, et qu’en outre ils arrivaient au bout de leurs cartouches, bien qu’ils en eussent emporté plus de soixante!
Mais la conclusion eut lieu d’une façon imprévue.
Pyram avait il honte, lui aussi? Tenait il à ménager l’honneur de la famille? Se souvenait il simplement de son ancien maître, le braco, et était il écoeuré de la maladresse de ses nouveaux seigneurs?
Tout à coup, dans un champ de trèfle où il avait commencé à « reconnaître », il se livra à un acte qu’on ne lui avait jamais vu accomplir et qui, je crois pouvoir l’affirmer, ne se reproduisit jamais: il rompit donc ouvertement l’arrêt, sauta sur la bête qui se tenait devant lui, presque sous son nez, et l’ayant prise délicatement dans sa gueule, la rapporta malicieusement à ses maîtres.
Ceux-ci n’eurent qu’à mêler leurs rires à ceux du berger et à rentrer chez eux. C’est par dizaines de fois, que par la suite, j’ai entendu mon père raconter cette histoire. »

Quand la caille voit ses petits en danger…

15 juin 2007 at 21 h 10 min

Voici quelques années, alors que je chassais dans un chaume de blé vers la fin du mois de septembre, mes deux setters sont tombés à l’arrêt. L’arrêt s’est prolongé quelques instants, puis soudain une caille s’est levée, tentant vainement de prendre son envol au nez des chiens. Une de mes chienne se met aussitôt en devoir d’attraper l’oiseau visiblement blessé. De petits bonds en petits bonds, voici la caille qui s’éloigne, ratée chaque fois d’un cheveu par ma chienne.
Je pose alors mon fusil au sol, et je tente à mon tour de me saisir de l’oiseau qui s’est blotti sous une touffe d’herbe.
A ma grande surprise, la caille, revigorée, fait alors une superbe envolée de plus de trois cent mètres! J’ai bien tenté de ramasser mon fusil en catastrophe, mais mes trois coups sont restés vains (heureusement d’ailleurs)…
J’ai alors réalisé, qu’à l’instar de la perdrix de La Fontaine il s’agissait d’une ruse, très probablement pour protéger une couvée de cailleteaux située à proximité.
Cela correspond exactement aux vers de Jean de la Fontaine:
« Quand la perdrix
Voit ses petits
En danger et n’ayant qu’une plume nouvelle
Qui ne peut fuir encor par les airs le trépas,
Elle fait la blessée, et va traînant de l’aile,
Attirant le chasseur et le chien sur ses pas,
Détourne le danger, sauve ainsi sa famille,
Et puis, quand le chasseur croit que son chien la pille,
Elle dit adieu, prend sa volée, et rit
De l’homme qui, confus, des yeux en vain la suit. »
(Discours à Mme de la Sabliere, « les fables de la Fontaine », Livre X, fable 1).

Cailles des bles et ses petits

Le dévouement de la caille pour ses petits est un fait connu, et raconté à plusieurs reprises dans la littérature. Paul Vialard dans la nouvelle « La caille », Tourgueniev dans une nouvelle tirée de ses souvenirs d’enfance, également intitulée « la caille », racontent tous deux le courage dont les mères savent faire preuve pour sauver leurs petits, allant parfois jusqu’au sacrifice.
Un tres bel article publié dans la revue « Au bord de l’eau, plaine et bois » (décembre 1955) livre un témoignage rare qui montre cet instinct de défense des petits.
 » (…) La caille est très attachée à ses petits, et son instinct maternel la porte à s’offrir en proie au chien ou au chasseur pour essayer de sauver sa progéniture. on connait le vol court et bruyant de la caille, lorsque sous l’arrêt du chien, elle est obligée d’abandonner ses petits. Mais peu de chasseurs ont vu la façon dont elle les assemble avant de les laisser seuls. Mon chien arrêta un jour, dans un pré très ras où la mère avait conduite en quête de nourriture, une couvée entière de treize petites cailles nées six ou sept jours auparavant. Dès la première alarme, la mère, gonflant ses plumes et gloussant, se mit à tourner autour de sa nichée, mais sans perdre de vue le chien. Les petits accoururent rapidement près d’elle, et elle les amena auprès d’une touffe d’herbe plus épaisse; à l’aide de son bec, elle les rassembla et les disposa en forme de poire, avec les têtes toutes unies et les postérieurs en cercle. Après quoi elle s’en alla en piétant, obligeant le chien à la suivre, avant de prendre son vol sur une courte distance. J’ai vérifié deux fois le fait, la mère se comportant chaque fois de la même façon.
Phénomène étrange: alors que le chien sent la caille, même très petite, il ne la sent plus quand elle fait partie de la formation en forme de poire dont il vient d’être question. (…) »

Faut il voir dans cette formation « en poire » une preuve du phénomène de rétention d’odeur? Ce comportement montre bien que, malgré sa petite taille, cet oiseau à un comportement beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, et est capable de beaucoup de ruse, surtout lorsqu’il s’agit de protéger ses petits…

Chasse aux cailles mécaniques

15 juin 2007 at 20 h 00 min

Voici, reproduite ci contre en intégralité, une jolie histoire de chasse qui nous est contée par Louis de Lajarrige, un célèbre chroniqueur cynégétique des années 30. Ce récit à été publié dans la revue « le Chasseur Français » de Décembre 1921.

Chasse aux cailles mécaniques

Pas une caille dans la commune d’Aucun! Alors… on monte le ressort!

Nous sommes partis de fort bonne heure pour chasser la caille. N’oubliant pas la vieille réputation de la vallée d’Azun, nous avions, outre la garniture de nos ceintures rempli nos poches de cartouches de petit plomb, et nous avions gagné les champs d’Aucun, nous proposant de traquer jusqu’à Arras, dans la matinée, et de revenir, après déjeuner, porter notre prise à Arrens.
Nous venions d’entrer dans le premier chaume, pleins de cette légitime confiance qui n’ abandonne jamais un vrai chasseur. Au cours de la route, nous nous étions excités en nous contant les hécatombes de cailles faites les années précédentes, par les chasseurs d’Argelès et par nombre d’Anglais qui viennent à Cauterets chaque saison.
Nous étions tout au plus au milieu du champ, lorsqu’un jeune homme aux fortes moustaches noires, porteur sur le bras gauche d’une large plaque en cuivre jaune et, sur le dos, d’un sac de taille moyenne en
toile grise, émergea d’une aulnaie voisine et nous cria d’une voix forte:
-Messieurs, je vous avertis que vous êtes sur le territoire de la ville d’Aucun.
– Nous le savons bien, répliquâmes-nous. Et puis, après?
– Après? Eh bien, il vous est, au nom de la loi interdit d’y chasser!
– Interdit d’y chasser! reprîmes-nous, moitié plaisants, moitié fâchés. Et pourquoi, s’il vous plaît?
– Pourquoi? Vous allez le savoir…
Et tirant de son sac une large feuille de papier il se mit à lire d’un ton plein d’autorité, après avoir retroussé sa moustache d’un coup de main:
VILLE D’AUCUN
Délibération du Conseil municipal
 » Le Conseil,
« Attendu qu’à raison de l’abondance des cailles dans notre vallée, les chasseurs affluent chez nous de tous les coins de la France;
« Attendu que cette affluence de gens étrangers au pays est nuisible à nos récoltes;
 » Attendu que nos récoltes font vivre nos épouses, nos enfants et nos commettants;
« Attendu qu’il importe de veiller à la sécurité d’icelles ;
« Délibère et, à l’unanimité des voix, décide:
 » Article premier. – La chasse à la caille reste et demeure interdite sur le territoire de la commune.
 » Article 2. – Le garde champêtre est chargé de l’exécution de la présente décision.»
Et, après un repos, il reprit, clignant de l’oeil vers son bras gauche:
– C’est moi qui suis le garde champêtre et j’exécute!
– Par exemple! nous écriâmes-nous. Mais cet arrêté est illégal ! Une commune n’a pas le droit d’interdire ainsi, en bloc, de chasser sur son territoire!…
– Illégal ! interrompit le garde. Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Ce que je sais bien, c’est que si vous ne rappelez pas au plus vite vos chiens, si vous ne quittez pas sans retard l’attitude du chasseur qui cherche le gibier, je vais vous dresser procès-verbal. Vous irez, après ça, vous débrouiller à Lourdes, devant le tribunal.
Nous essayâmes de protester, de démontrer… Ce fut en vain.
– J’ai ma délibération, j’ai ma plaque, j’ai une consigne ! répétait le garde.
Et nous ne pûmes le tirer de là.
Mais où sont donc, lui demandâmes nous de guerre lasse, les limites de votre peu hospitalière commune?
– Les voici, nous dit-il en se radoucissant un peu. De l’autre côté, ce sont les champs d’Arrens ; vous pouvez y passer à votre aise, je vous y accompagnerai même si vous voulez. Mais je dois vous avertir: vous n’y trouverez pas une caille !
– Pas une caille ! répétâmes-nous, étonnés.
– Non, pas une. La preuve, c’est que le Conseil n’a pas pris de délibération. S’il y avait eu des cailles, on aurait certainement délibéré à Arrens comme à Aucun. Donc, puisqu’on n’a pas pris de délibération, c’est qu’il n’existe pas de cailles !
– La preuve ne nous paraît pas suffisante, reprîmes-nous en riant.
– Vous verrez, dit le garde toujours sérieux.
Nous abandonnâmes donc les plaines d’Aucun et nous entrâmes dans les champs d’Arrens. Nos chiens travaillaient de leur mieux, les chaumes succédaient aux chaumes, et toujours, pas une caille. Le garde souriait silencieusement dans sa moustache; il traversait les sillons avec nous et causait, tout à fait calmé.
– Je vous dis qu’il n’y a rien à Arrens, répétait-il, de temps en temps.
Si, par hasard, nous ne nous rendions pas bien compte des limites des deux communes voisines et pénétrions ou laissions pénétrer nos chiens sur le territoire d’Aucun, le garde relevait d’un mouvement d’épaules son sac en toile grise, prenait, dans la poche de côté la large feuille soigneusement pliée, l’ouvrait religieusement, s’arrêtait, et, reprenant voix rogue, commençait:
VILLE D’AUCUN
Délibération du Conseil municipal
Le Conseil,
« Attendu…
« Attendu…
Un soufflet qu’on nous eût donné ne nous eût peut-être pas plus fait enrager que cet « Attendu… » intempestif, prononcé d’un ton de maître.
Avec cela, le temps passait. Le soleil montait à l’horizon et nous voyions s’en aller en fumée nos espérances du matin. Qu’allait-on dire de nous, à Arrens, si nous rentrions sans apporter de cailles de ce pays de Cocagne où les chasseurs des autres années en tuaient, disait-on, plus qu’ils n’en voulaient? Que diraient à Lourdes les nemrods gouailleurs et toujours un peu jaloux, lorsqu’à leur question : « Combien? » nous serions forcés de répondre : « Aucune! » Quels éclats de rire! Quelle confusion !
Il nous fallait des cailles à tout prix.
Nous essayâmes sur le garde -j’ai honte de l’avouer- tous les moyens en notre pouvoir.
Un verre de vin, une pièce blanche, un jaunet. Il refusa avec dignité et même, nous semble-t-il, avec une pointe de pitié narquoise.
Décidément, il n’y avait rien dans les champs d’Arrens. Le garde ne nous avait pas trompés. La chose nous paraîssait bien singulière, mais les moeurs du gibier sont si peu connues; et puis, toujours la vieille réputation des chaumes d’Aucun s’imposait à nos souvenirs.
Nous continuions à suivre les champ: éteules, maïs, prairies. Mais, vraiment, nous ne chassions plus. Le garde, fort aimable depuis que nous ne cherchions plus à lu résister ou à le corrompre, bavardait de son mieux. Nous lui répondions à peine, un peu vexés.
Cependant, à bout de patience, mon compagnon, M. L., finit par lui dire:
– Mais, comment diable se fait-il que Conseil municipal d’Aucun prenne maintenant de pareilles délibérations?
Il n’en prenait point de semblables, autrefois, lorsque j’habitais la commune?
– Lorsque vous habitiez la commune!… Alors, je ne me trompe pas, vous êtes bien M. L., notre ancien receveur des postes? Il me semblait vous reconnaître.
– Je suis bien M. L., répondit mon camarade.
– Ah ! monsieur, s’écria le garde, que je suis content de vous revoir! Vous ne vous
souvenez pas de moi, mais je ne vous ai pas oublié : je suis le fils de votre ancienne femme de ménage, la vieille Catherine. J’ai fait bien souvent vos commissions, et même, quelquefois, lorsque le facteur était absent, vous m’avez envoyé porter les dépêches.
Cette recommandation tardive changea la situation.
Quelques paroles de souvenirs échangées de part et d’autre, et le garde nous dit brusquement:
– Messieurs, puisque vous n’êtes pas des étrangers et, surtout parce que c’est vous, M. L., je vais tout vous dire. Mais, d’abord, sifflez vos chiens, retirez vos cartouches, et mettez vos fusils en bandoulière. Des cailles, n’y en a pas une dans toute la vallée d’Azun, pas plus à Aucun, à Marsous, à Arras qu’à Arrens, ou ailleurs:
– Mais la délibération ? éclatâmes-nous.
– La délibération, j’y arrive.
Et, après un moment d’hésitation, il ajouta
– La délibération… c’est de la blague.
Nous voyant ahuris, il continua:
– Autrefois, paraît-il, il y avait beaucoup de cailles dans notre vallée, on y venait passer de tout l’arrondissement d’Argelès et les dépenses que faisaient les chasseurs comptaient parmi les ressources sérieuses de nos montagnards. Depuis assez longtemps, les cailles ont disparu, et avec elles, les chasseurs menaçaient aussi de disparaître. Il fallait parer à cette pénible éventualité.
Notre Conseil municipal, composé d’hommes intelligents, n’a pas hésité, il a pris la délibération que je vous ai lue tout à l’heure, et l’a répandue un peu partout. Cette mesure à suffi pour maintenir chez nous l’affluence des chasseurs.
Soit alléchés par l’innombrable quantité de cailles annoncées, soit attirés par le séduisant appât du fruit défendu, chaque année il en vient, jamais les mêmes, mais en très grand nombre, et nos ressources ne sont pas diminuées.
Le Conseil a encore imaginé autre chose, sur l’avis d’un de ses membres qui a, paraît-il, fait son service militaire dans les environs de Tarascon.
Et, tout en parlant, le garde tirait de son sac trois paquets soigneusement enveloppés de vieux journaux.
C’étaient trois cailles superbes, en parfait état de conservation.
– Eh bien ! nous écriâmes-nous, d’où viennent celles-là ?
– Prenez patience, messieurs. Ce sont des cailles mécaniques que je porte toujours sur moi par ordre du Conseil. Lorsque les chasseurs sont trop ennuyés de ne rien trouver, je monte le ressort, les bêtes partent, parcourent un assez long trajet, et les visiteurs de la vallée s’exercent sur elles au tir. J’ai vu des Anglais qui ont gagné ou perdu, là-dessus, de fort gros pari.
– Dirai-je le reste. Eh bien! tant que j’y suis, je vous avouerai que nous limes monter, pour nous, le ressort des cailles et que, jusqu’à midi, nous nous exerçâmes, non sans quelque succès, à ce sport d’un nouveau genre…

Ouverture 2007: premières impressions

8 juin 2007 at 21 h 35 min

Les anglais ont leur « Glorious twelve » (12 août) pour l’ouverture de la grouse. Plus modestement, j’ai mon dernier week-end d’août avec l’ouverture anticipée de la caille, que je ne raterais pour rien au monde…
Je suis arrivé par train tard dans la nuit afin d’être au rendez vous. Juste le temps de préparer mon fusil et quelques cartouches avant de me coucher. La nuit est courte…
De bonne heure le lendemain je me rends dans un grand chaume situé à quelques centaines de mètres de chez moi avec deux de mes setters anglais.
En route, j’observe les champs alentours. Les chaumes sont particulièrement rares cette année, et je constate avec tristesse que de nombreux agriculteurs ont mis à profit les dernières pluies pour les broyer.
Honneur aux anciens: May à droit au premier tour. Les cailles du matin dans la rosée ne tiennent pas toujours bien l’arrêt, et il faudra toute l’expérience de mon vieux setter et ses arrêts de marbre si je veux prendre quelques photos.
Je me dirige directement vers la bordure au fond du champ que je sais être la plus favorable.
Il est sept heures: les herbes sont encore envahies de rosée, et je regarde le soleil monter doucement derrière la colline. Quand je tourne la tête, May est déjà à l’arrêt. Il est immobile à cinquante mètres de moi, à demi couché dans le chaume herbeux et je sais déjà à son attitude que la caille est tapie à un mètre à peine de lui.

premier arrêt saison 2007 sur cailles

Je souris en pensant: « Elles sont la! ». Je m’avance vers lui, puis je passe doucement devant le chien. Une caille fait un magnifique départ enroulé à un mètre de moi, et s’enfuit à tire d’aile vers le tournesol voisin. Je la salue en vain de trois salves. Je grimace un peu: pas en forme ce matin! Mauvais présage?
Quelques coups de feu commencent à éclater dans la campagne, signal que l’ouverture est bien lancée. May insiste sur la bordure. Un groupe de quatre cailles se lèvent hors de portée au seul bruit du chien et se remisent dans le tournesol. Dommage!
La rosée rend le travail difficile par endroit. May ralentit un peu et m’indique la présence d’oiseaux sans trop savoir ou ces derniers se trouvent. Une caille décolle. J’épaule, je tire… Elle plonge à la limite à du champ, tuée net. Je la ramasse et je constate qu’il s’agit d’un magnifique petit mâle. Ma première caille de la saison…

Photo caille

Sans s’attarder sur ce premier succès, le chien repart immédiatement. Il continue d’insister et multiplie les passages, ratissant conscienscieusement l’étroite bordure. Quelques instants après May se fige une nouvelle fois à l’arrêt.

2eme arrêt de May

Deux cailles giclent brusquement et partent dans des directions opposées. Mon premier tir fauche immédiatement la première. J’ai le temps de me retourner et d’abattre la seconde dans la foulée. Je fonce la ramasser tandis que May me rapporte impeccablement le premier oiseau: Il est en effet très facile d’égarer les oiseaux blessés ou morts.
Encore deux petits mâles! Cela va mieux… Un peu rassuré par ce doublé je poursuis ma route.
Sur le coup de huit heures, des petits groupes de chasseurs arrivent d’un peu partout dans la campagne. Cinq, six voitures fourgonnette passent l’une derrière l’autre devant le chaume. Leurs conducteurs sont des chasseurs et je vois ces derniers ralentir et scruter les chaumes. Fini la tranquillité! Deux groupes de trois chasseurs, sans doute attirés par le bruit de mes tirs, rentrent dans le chaume que j’occupe et je comprend vite qu’il me sera difficile de continuer à chasser dans ces conditions. Je traverse la route pour me rendre au chaume voisin espérant un peu plus de calme. Je remarque à l’angle d’un tournesol un grand tapis d’herbes qui semblent être un terrain favorable. J’y engage May qui tombe immédiatement à l’arrêt.

Arrêt à l'orée d'un champ de tournesol

Après être resté immobile quelques secondes, le chien commence à couler rapidement en direction du champ voisin. Je réalise que la caille à déja pièté en direction du tournesol encore sur pieds et s’y est mise à l’abri. Inutile de l’y poursuivre.
D’autres chasseurs continuent à arriver d’un peu partout et les deux ou trois chaumes attenants sont littéralement envahis. Cela devient une vraie foire d’empoigne! Il est vrai qu’il reste tellement peu de chaumes intacts. Ces derniers se sont rabattus par dépit sur les quelques champs restants. Leur nombre sur une si petite surface commence à friser le ridicule…
Je bat en retraite vers mon véhicule pour y ramener May.
Au tour du plus jeune, Aslan. Le jeune setter entreprend d’un galop souple et rasant d’explorer le grand chaume ou je suis revenu. Dans la campagne, les coups de fusils se sont tus. Beaucoup de chasseurs découragés par le petit nombre de cailles et les rares chaumes disponibles rebroussent chemin et remontent dans leurs véhicules aussi rapidement qu’ils étaient venus. Le calme revient progressivement…
Malgré ses efforts Aslan ne parviendra qu’à mettre à l’envol une caille dont il n’avait pas su deviner la présence. Dommage pour ce jeune chien! J’avais espéré le mettre en présence de davantages d’oiseaux. Il y aura d’autres occasions dans la saison… Il est déjà neuf heures et la chaleur monte progressivement. C’est à mon tour de partir.
Tandis que je range mon fusil dans ma voiture, mes impressions sont mitigées. C’est une « petite » ouverture, et il est évident que les oiseaux seront plus rares cette année. En 2006 j’avais prélevé neuf oiseaux (et levé plus du double) lors de ma première sortie dans ce même chaume. Peut être les passages à venir seront ils meilleurs? Je rentre néanmoins heureux d’avoir vu voler huit ou neuf oiseaux, avec quelques beaux arrêts à la clef.

Premières arrivées

1 avril 2007 at 21 h 36 min

L’air s’est radouci depuis quelques jours et semble annoncer le printemps. J’ai deviné leur présence. Elles sont sûrement la, quelque part, invisibles, dans les blés encore verts. Enfin de retour de leur long périple africain.
Ce n’est que quelques jours plus tard, vers le soir, alors que me promenais dans le fond du jardin, que j’ai enfin eu confirmation de mes soupçons. J’ai entendu une caille chanter timidement. Au fil des minutes, l’oiseau s’est enhardi. Guidé par son chant, j’ai marché vers la friche voisine. Je me suis approché, tout doucement, presque sur la pointe des pieds, avec le secret espoir d’apercevoir le mâle debout parmi les herbes, en train de pousser son cri d’amour. Mais l’oiseau s’est brusquement tu. Un peu à regrets, je me suis alors éloigné.
Lors du dîner sur la terrasse, j’aurais beau essayer par moments de tendre l’oreille: ce soir la, je n’entendrais pas la caille chanter de nouveau.

Les jours ont passé. Je profite d’une belle après midi ensoleillée, en ce début de mois de mai, pour faire une ballade avec un de mes setters. Après avoir fait un rapide crochet dans le pré voisin, je traverse la route pour entrer dans une ancienne friche, littéralement envahie de trèfles en fleurs. L’air est doux. Je surveille du coin de l’oeil Aslan mon jeune mâle qui entreprend de déployer sa quête, sans doute à la recherche d’un couple de perdreaux.

caille dans les herbes

Tout à mes pensées, je sursaute brusquement en entendant un bruissement d’ailes. Deux magnifiques cailles viennent de se lever simultanément, presque sous mes pieds. A peine dérangées, ces dernières volent sur une cinquantaine de mètres, en décrivant un léger arc de cercle, et se reposent à la limite d’un fossé.
L’occasion est trop belle. Je siffle mon jeune mâle, qui revient au galop. Je tends le bras en direction de l’endroit ou les cailles se sont posées, afin d’orienter sa quête. Va-t-il retrouver la piste des oiseaux, qui viennent à peine de poser?
Aslan s’élance aussitôt, et balaie la zone en quelques lacets. Arrivé à la limite du champ, ce dernier ralentit brusquement, avant de prendre une jolie pose d’arrêt, subjugué par l’émanation. Il coule à présent par petite saccades, et je devine à son attitude que les cailles ont entrepris de tracer des lacets parmi les grandes herbes, afin d’égarer leur piste. Je souris en le voyant, nez collé au sol, essayant de démêler l’écheveau. La pose semble peu académique pour un setter anglais, et ferait sans doute frémir plus d’un juge de field trial.
Avec autorité, le chien se dégage et reprend sa quête. Il saute le petit fossé pour entrer dans le champ voisin, un chaume laissé sur pied dans lequel les herbes commencent à pousser.
Je songe un instant à le rappeler : Il se trompe ! Les cailles sont de ce côté ci du fossé, je les ai vues !

Aslan a l'arret sur une caille

Mais Aslan semble sûr de lui. Il parcourt quelques mètres à peine, et se fige à l’arrêt. Cette fois, il les a bloquées. L’arrêt est tendu, et seule la queue semble parcourue d’un léger frémissement.
Je franchis la séparation entre les deux champs, et je m’avance vers le chien. Les diablesses ! Après avoir essayé de semer le chien, elles ont sauté le fossé. Où sont elles ?
La réponse est instantanée: les deux cailles giclent brusquement à deux mètres du chien, et s’envolent à tire d’aile.
Un jeune couple qui s’apprête probablement à nicher. Je rappelle aussitôt Aslan, parti à leur poursuite. L’exercice a été concluant, mais je ne veux pas déranger davantage les oiseaux.
Je repars en direction de la ferme, profitant des dernières minutes de la ballade, tandis que le chien quête au loin.
C’est à ce moment précis qu’une énorme caille -presque une demi perdrix- part dans mes pieds. Je la poursuis du regard tandis qu’elle s’envole en direction d’un blé vert. Une belle caille adulte, comme les deux autres, peut être déjà en train de pondre. La rencontre de trois oiseaux en quelques minutes, sur une si petite parcelle, me parait de bon augure. Et je songe en m’éloignant que le printemps, cette année, semble décidément plein de promesses.

Récit d’une ouverture en Algérie

5 mars 2007 at 21 h 30 min

La caille est un gibier migrateur, présent dans de nombreux pays comme le montre le témoignage que m’a adressé Djamel Talha. Ce dernier m’a envoyé le récit d’une belle journée d’ouverture de la chasse en Algérie, ainsi que quelques photos… Au programme: perdrix Gambra, et bien sûr quelques cailles.

Ce dernier écrit:
« Mon territoire de chasse, se trouve au environ de mon village natal «Aoubellil», qui se situe a 100 Km d’Oran, la plus grande ville de l’ouest Algérien.
Le territoire est constitué de terrains accidentés, avec quelques plaines. Il est surtout composé de champs de céréales, mais aussi de fèves, pois chiches, ail… Il y a également de vastes étendues de vignes. Ce territoire est assez ouvert, et on n’y trouve que quelques arbres: figuiers, oliviers…

Territoires de chasse en Algérie

Ici, la chasse à la caille, se pratique après les moissons. Mon père me disait toujours, que c’est un oiseau difficile à tirer, ce que j’ai encore pu constater durant ma journée d’ouverture.
Selon les témoignages de plusieurs chasseurs et d’agriculteurs, leur nombre semble avoir augmenté ces dernières années. Aucune étude précise n’ayant été réalisée ici sur cette espèce, il est toutefois difficile d’avoir une estimation exacte de la densité des oiseaux. Je pense pour ma part que l’augmentation du nombre de cailles est dû au fait que la chasse a été interdite pendant plus de 10 ans en Algérie, a cause des « événements » dont tout le monde a entendu parler.Cette interdiction a favorisé la prolifération du gibier en général.

Ma journée de chasse s’est déroulée en famille. Elle a commencée tôt le matin. Je me suis rendu sur les terrains en compagnie de mon père, de mon frère Smain, de mon fils Adam qui a 5 ans, ainsi que de deux amis chasseurs.
J’ai mis mon fusil sur l’épaule (il s’agit d’un Robust 222 calibre 16) et emporté une musette garnie de provisions pour la journée. J‘y ai également glissé quelques cartouches, dont deux « spécial cailles » fabriquées « maison ».
Le gibier que nous chassons prioritairement la bas est la perdrix «Gambra» (Alectoris barbara), qui se différencie des autres espèces européennes par un collier marron piqueté de blanc. J’aime particulièrement les chasser dans les vignes car cela me permet de voir le spectacle des perdreaux qui courent le long des rangées, l’un derrière l’autre. Nous chassons également les cailles au chien d’arrêt, ou au « cul levé ».
Au bout de quelques instants de marche, nous sommes arrivés sur un lieu appelé le « doume ». C’est un endroit aride entouré de falaises et de côteaux. La végétation se compose de palmiers nains, et de jujubiers (cédrra en arabe). Partout il y a de hautes herbes, des chardons qu’affectionnent tout particulièrement les perdrix. Seul endroit avec un peu de fraîcheur : un creux situé un peu plus bas à la fraîcheur ou l’on trouve quelques asperges sauvages.
Il nous faut à présent marcher, de falaises en terre-pleins.

Scéne de chasse en Algérie

Au bout de quelques minutes, notre petit groupe surprend une grande compagnie de perdrix qui s’envolent devant nous. Premiers coups de fusils… Après une rapide poursuite, nous avons réussi à tuer six oiseaux…

Chasse en Algérie: perdrix Gambra

Nous sommes arrivés ensuite dans un champ qui borde une petite parcelle de vigne. Alors que je marchais, je me suis fait surprendre par une première caille. Quel oiseau !!! J’ai beau être habitué, son envol suivi de son fameux cri me surprendra toujours. A peine le temps d’épauler, cette dernière est déjà hors de portée… C’est néanmoins un bon présage pour la suite, et ces dernières semblent être cette année encore au rendez vous…
Nous avons ensuite repris notre marche sous une chaleur écrasante. Mon Epagneul Breton « Vaillant » court inlassablement devant nous, insensible à la chaleur. Alors que je regarde ailleurs, mon frère Smain se met brusquement à faire de grands signes de la main. A quelques dizaines de mètres devant nous Vaillant s’est figé à l’arrêt. Ce dernier attend, une patte levée, le corps raidi… Je m’avance vers le chien, le cœur battant. C’est comme si le monde s’était arrêté l’espace d’un instant… Une caille s’envole brusquement. Mon fusil semble monter seul à l’épaule, et je tire instinctivement. Fauchée par les plombs, cette dernière tombe quelques mètre plus loin. Mon fils court ramasser l’oiseau, qu’il me tend.

Chasse en algérie: première caille

Ma première caille de l’année…
Pendant que je me laissais distraire par la beauté de ma prise, j’entendais les coups de feux des autres…
Nous avons fait vers 13h une pause sous l’ombre d’un grand platane pour manger. En raison de la chaleur nous nous sommes mis d’accord pour interrompre la partie de chasse, et la reprendre le lendemain.
Malgré quelques oiseaux ratés, ce fut une superbe matinée de chasse. »

Djamel Talha