Débuts

15 juin 2007 at 22 h 26 min

Voici un très joli récit extrait du livre « émotions de chasse » de Jean de Witt (publié en 1941). Dans ce court chapitre intitulé « Débuts », il décrit ses premiers pas en tant que jeune chasseur et nous livre le récit de sa première ouverture. On notera au passage les magnifiques dessins de Joseph Oberthur qui illustrent ce chapitre.

Pluton à l'arrêt sur cailles

« Je me suis couché tout habillé, à seize ans, le 14 août 1903. Mon premier complet de chasse me paraissait aussi beau que mon permis, que mes gros souliers de marche et que les guêtres jaunes dont mon père m’avait adorné (1) pour ma première ouverture. Ce jour me parait lointain, et cependant il est d’hier. Les souvenirs qui nous sont chers savent prendre leur place dans le cœur et dans l’esprit comme s’ils étaient d’aujourd’hui même.
Je me souviens avec précision de cette ouverture à Morin, de cette nuit où, dans mes rêves, des lièvres gros comme des éléphants me réveillaient en sursaut, où le départ d’une compagnie de perdreaux me faisait bondir au bruit métallique de son envol brutal, où les cailles, en contre-partie, me berçaient de leur chant de trois notes, plus énervant que poétique. Cinq fois dans la nuit, je me levais pour constater que les étoiles luisaient encore au ciel, que la nuit était légère et que le grillon de ma chambre continuait son éternelle chanson. Il faisait chaud. Je regardai mon petit fusil calibre 20. Je me recouchai en songeant aux chaumes dorés, à l’odeur de la poudre noire, à l’arrêt du chien Pluton qui, demain, devait me donner tant d’émotions.
Mais il était 2 heures du matin, et je n’avais jamais été soumis à veillée aussi prolongée. Je m’endormis pesamment, avec ce sentiment que le fusil était là dans le coin de ma chambre. Mes souliers neufs enserraient les jeunes pieds de mes seize ans, j’avais cette certitude reposante: les cailles de la plaine de Truquet, que « je connaissais », m’attendraient jusqu’à mon passage à leurs côtés. A 5 heures je me réveillai. Ce fut un des plus beaux moments de ma vie. Tout équipé, je bondis de mon lit, et, au détriment de tous les dormeurs de la maison, je descendis l’escalier de trente-deux marches, appuyant lourdement, comme il se doit, sur mes premières bottes de chasse, jusqu’au rez-de-chaussée où je rejoignis mon père qui partait, sans émotion, pour ma « première ouverture ».
L’arrivée de Cloto, notre « chasseur », et de son chien Pluton, n’interrompit pas le calme déjeuner paternel. J’étais très nerveux, je l’avoue. Les petites cailles auraient-elles la bonté de nous attendre?
Nous étions partis vers la plaine, que le soleil rendait magnifique. Tout paraissait baigné de vapeurs légères roses et dorées. Les teintes vertes des arbres avaient des tonalités inouïes de variétés. En pénétrant dans les premiers chaumes, tout me parut éclatant de vie intense. J’eus cette impression que chaque pas vers une touffe plus haute que les autres, vers un rang de mil ou de sainfoin plus jaune ou plus vert, devait abriter le gibier pourchassé.
Mon imagination travaillait. Pluton, après dix minutes de quête, s’arrête brusquement en une attitude tremblante qui indique bien nettement que le gibier glisse, se faufile, en un admirable mimétisme, sous le nez subtil du chien. celui ci rampe, s’arrête, me regarde de côté d’un œil tendre. Un petit rang de vigne, des herbes légères. Je m’efforce de découvrir le gibier. Je ne vois rien. Comme ceux de Pluton, mes nerfs de tendent. Nous voici au bout du Sillon. Le chien devient anxieux. Moi aussi. Au ras du sol une caille se lève. Un petit sifflement léger et la voici, les ailles courbes, qui s’envole à travers la plaine, se confondant avec teintes d’alentour. Je tire précipitamment mes deux coups, avec cette précoce certitude de la réussite qu’ont tous les tireurs de seize ans. Manquée! Mes instructeurs avaient eu la bonté de me laisser tirer le premier. Cloto la manque et mon père tire de loin. Elle tombe. C’était la un début de chasse qui devait, tout en me permettant de jouir d’une petite gloire familiale, me rendre très humble dans l’exercice du tir de chasse…
Mon père, je m’en souviens, se retourna vers son chasseur:
– Eh quoi! Vous qui êtes si bon fusil sur les cailles, vous manquez celle-ci partie si près de vous! Vous avez encore fait des excès hier soir!
Et Cloto, qui était un bon tireur, dit à mon père simplement:
-Eh! mon dieu! monsieur j’aime tant la chasse que je n’ai pu m’empêcher, la veille de l’ouverture, de jouer un peu à la manille. J’ai bu quelques cafés, trois pernods et trois verres de fine. Peu de chose! Mais, après, on pense tellement à la chasse qu’on dort moins bien. Et je m’en ressens.
Après ces mots, qui devaient marquer la première ouverture d’une phrase définitive, la matinée fut meilleure. Les cailles suivantes, arrêtées impeccablement par Pluton, furent tirées avec élégance par mon père et par Cloto qui avait repris son aplomb. A l’heure du déjeuner, il y avait quinze cailles au tableau, et ce n’était pas mal. La quinzième avait été tuée par moi, et j’en conserverai toute ma vie une grande honte. Elle avait été tirée presque sous le nez de Pluton et, à cette faible distance, elle avait éclaté sous la charge. Je puis vous assurer que la vision de ma première caille a poursuivi ma vie de chasseur. Ce piteux exploit, dont je n’ai jamais parlé à personne, m’a rendu odieux l’assassinat et m’a appris qu’il y avait autre chose dans la chasse que l’attrait du gibier malheureux que l’ont doit tuer.
J’ai compris ce jour-là, que la beauté du sport et de la poursuite devait faire naître le goût de la difficulté, et que la facilité à ,la chasse ne devait pas être recherchée. C’est pour cela que j’ai tant aimé la sauvagine! »

(1)Adorné: orné, décoré, embelli

Pluton au rapport

Petites particularités de sa chasse…

15 juin 2007 at 21 h 32 min

C’est, selon moi, la chasse par excellence pour l’amateur de chiens d’arrêts.
Le chasseur progresse dans les chaumes, tout en admirant ses chiens en train de quêter. C’est le contraire même de la chasse à la bécasse ou l’on devine le travail du chien plus qu’on ne le voit vraiment….
La chasse de la caille, c’est avant tout le plaisir des yeux. Ici aucun obstacle pour gêner le regard du chasseur, qui ne rate pas une miette du spectacle. C’est une chasse plaisir, qui rappelle dans les zones ou la caille est encore abondante, ce que furent les chasses d’autrefois sur un gibier encore authentique et sauvage. Pas besoin de courir les remises: tout est là à portée de main dans un même champ. Sous les yeux de leurs propriétaires les chien multiplient les arrêts, les patrons. Un plaisir qui se renouvelle sans cesse…
Les esprits chagrins diront que ce n’est pas la chasse la plus difficile, et c’est vrai qu’il y a beaucoup d’oiseaux mythiques plus difficiles à tirer. Comme s’il n’y avait de plaisir qu’à chasser dans la difficulté, au milieu des broussailles impénétrables et sous les pluies de décembre…
Jean Castaing écrit: « S’il est en effet des gibiers qui se tirent plus qu’ils ne se chassent, plaçant presque tout le plaisir du chasseur dans le coup de fusil, la caille est par contre de ceux dont la chasse proprement dite, c’est à dire sa recherche et sa découverte, donne plus de joie que le tir (…). »
Chasser la caille, c’est une sorte de récréation pour chasseurs hédonistes, dans un monde cynégétique de plus en plus gris, ou l’on est pas sûr de lever un oiseau à chaque sortie.

lithographie de A godard

Par bien des aspects, la chasse de la caille à son originalité propre, et ne ressemble pas forcément à celle d’autre gibier.
Cela est différent par exemple de la chasse des perdreaux gris, ou du faisan, ou après le passage du chien on considère le terrain comme exploré…
On doit laisser les chiens prospecter calmement le terrain. Ces derniers doivent effectuer plusieurs passages afin de trouver les oiseaux. Comme d’autres gallinacés, les cailles sont capables de rétention d’odeur. A cela s’ajoute la chaleur qui ne facilite pas les choses, car les odeurs s’évanouissent rapidement.
Il faut donc progresser lentement, méthodiquement et parcourir une, ou même deux heures durant le même champ lorsqu’il s’agit d’un chaume assez vaste.
Même en agissant comme cela, et aussi bon que soit le chien, on laisse presque fatalement des cailles derrière soi.
Ne pas hésiter à repasser quelques dizaines de minutes plus tard dans un même champ suite à une petite averse qui a soudain rafraîchi le terrain.
Le rôle des chiens, autant que celui de la météo est déterminant. On peut passer avec un mauvais chien dans un champ littéralement infesté de cailles sans qu’il en arrête une. Un très bon chien peut également échouer pour peu que les conditions météo ne soient pas favorables.
Le résultat dans les deux cas est le même: les cailles s’envolent par vos pieds…
Les meilleures heures se situent les jours de grosses chaleur du mois d’août et de septembre, entre sept heures et huit heures trente. Vers 09 heures, avec la montée de la chaleur et la disparition de la rosée, les conditions déclinent… Autant rentrer.
Vers 19 heures, on peut effectuer une autre tentative avec la fraîcheur du soir. Les conditions sont souvent moins favorables que le matin, qui reste le meilleur moment.

Une caille chirurgienne?

15 juin 2007 at 21 h 31 min

Tout le monde a entendu parler des bécasses chirurgiennes, ces oiseaux qui se posent (ou se font poser) des emplâtres sur leurs pattes blessées.
Voici une anecdote savoureuse, concernant cette fois ci une caille, parue dans un numéro du Chasseur Français datant de Novembre 1930:

« Une caille bricoleuse »

« A l’ouverture de 1923, un ami me fit remettre une caille. La caille était grassouillette, exquise, comme se doit. Quelle fut ma surprise en voyant ses pattes. Toutes deux avaient été sectionnées au-dessus de l’articulation du « coude » , à la même hauteur, probablement par une faucheuse.
La petite bête avait ajouté à ce qui lui restait de ses membres une tige d’égale longueur, à peu près de même épaisseur, fabriquée avec une argile durcie à la chaleur, terminée chacune par un petit cône, la base
reposant sur le sol, le sommet soudé à la tige.
Donc, la caille avait choisi la matière pour fabriquer ces deux
tiges, en avait égalisé le diamètre et la longueur, avait fabriqué un
mortier, l’avait exposée au soleil pour qu’elle séchât et durcît,
l’avait terminée par une base conique sur laquelle on pouvait voir
les petits coups de bec pour en lisser la surface.
Et avait vécu sautillant ainsi jusqu’au jour où un chasseur
l’eût guérie de ses infirmités. »

La lecture de cette très jolie anecdote, presque un peu trop belle pour être vraie, m’avait laissé quelque peu dubitatif sur le moment. Cette dernière date de 1923 (près de 90 ans!), s’avère absolument unique car aucun autre cas de cette sorte n’a jamais été porté à ma connaissance pour cette espèce, malgré les nombreux articles que j’ai pu lire.
On peut observer enfin que la caille citée a été prélevée par un ami, et non le narrateur lui même, et qu’un canular ne peut être exclu. Une caille qui se fabrique des prothèses!!! Allons donc…

J’ai reçu voici quelques jours un courriel de Michel Duval, chasseur et adhérent de l’ANCC. Ce dernier m’a envoyé une série de photos particulièrement intéressantes que je vous fais partager ci-joint.
Il a prélevé fin septembre 2014 une caille femelle, porteuse au niveau de l’une de ses cuisses d’une sorte d’emplâtre essentiellement composé de plumes arrachées.

Sous l’emplâtre, il a constaté qu’il y avait une plaie très propre en voie de cicatrisation. Le secteur ou l’oiseau à été prélevé n’avait pas encore été chassé cette année. La cause éventuelle de cette blessure demeure donc totalement inconnue.
Cette caille pesait 115 grammes, ce qui est un poids tout à fait respectable: cela semble indiquer un oiseau en cours d’engraissement, et qui ne souffrait pas.

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La série de photos ci-dessous montrent sous plusieurs angles l’emplâtre. Les plumes qui le composent ont été manifestement arrachées et semblent agglomérées avec une substance jaunâtre, difficilement identifiable.

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Cela pose plusieurs problèmes: Est ce que l’oiseau s’est apposé lui même l’emplâtre? A t’il eu recours à l’assistance d’un autre oiseau pour réaliser les soins?
Il serait sans doute impropre de parler de caille chirurgienne, mais peut être peut on parler au moins dans ce cas la de caille infirmière, comme le dit joliment Michel Duval.

Ces photos ont réveillé en moi d’anciens souvenirs. Je me suis notamment rappelé avoir prélevé voici un peu plus d’une dizaine d’année une caille porteuse d’un emplâtre similaire sur le haut de sa cuisse. Ce qui m’avait le plus intrigué, c’était la découverte au dessous d’une plaie relativement fraiche (une trace de plomb) qui paraissait cependant très propre. Par manque d’information, je n’avais pas su faire la relation. Quand bien même, a qui en aurais-je fait part?
Ces emplâtres sont adaptés à la taille des cailles, et donc forcément de petite taille. Il est très facile de passer à côté lorsqu’on n’y est pas sensibilisé. C’est un des objets de ce petit article: informer les chasseurs afin qu’en cas de capture d’oiseaux porteurs d’emplâtres similaires ils pensent à prendre un maximum de photos, à peser l’oiseau prélevé, voire dans l’idéal à conserver l’emplâtre.
En cas de découverte, n’hésitez surtout pas à me contacter: caille.des.bles@gmail.com

Les lâchers de cailles, c’est interdit!

15 juin 2007 at 21 h 30 min

Il faut le rappeler: l’élevage, la détention, et la commercialisation de la caille des blés, considérée comme gibier de passage, sont strictement interdit en France (cf. arrêtés ministériels des 28/02/1962 modifié pour l’élevage, 17/04/1981 modifié, 20/12/1983 modifié et 12/08/1994 pour la commercialisation).
De même, la caille japonaise (la caille de chair que l’on trouve dans les marchés et sur les étals) ne doit pas faire l’objet d’actes de chasse ou de lâchers (art.L411-3 du code de l’environnement).
Cette interdiction est due au risque de croisements entre les cailles japonaises et les cailles de blés sauvages, pouvant aboutir à terme à la disparition des cailles migratrices (voir article « Cailles japonaises: les dangers de l’hybridation », rubrique « Quelques mots sur sa chasse »).

Les chasseurs qui enfreignent cette réglementation et qui utilisent des cailles japonaises, ou des hybrides, comme cailles de tir encourent des poursuites judiciaires.
La caille japonaise n’appartenant pas à la liste des oiseaux considérés comme gibiers, le simple fait de la chasser peut être être considéré comme un mauvais traitement, ou même un acte de cruauté envers un animal domestique.

De nos jours, il est encore quasi systématique de voir des dresseurs professionnels utiliser, en toute illégalité, des cailles pour le dressage des chiens (elles sont bien souvent importées d’Espagne, ou l’élevage des cailles de tir reste malheureusement, autorisé).
Ne parlons pas des chasses commerciales qui, sous prétexte que leur terrains sont clos, continuent de pratiquer, en toute illégalité, des lâchers de « cailles de tir » (en réalité des hybrides).

Faites un geste pour les cailles sauvages: n’achetez pas ces pseudos cailles de tir, et surtout, n’en relâchez jamais dans la nature.
Il n’y a pas d’erreur possible:Les lâchers de cailles, quels qu’ils soient, sont strictement interdits!

Georges Clemenceau

15 juin 2007 at 21 h 25 min

Georges Benjamin Clemenceau (1841-1829) était un journaliste, écrivain et homme politique français.

Portrait de Georges Clemenceau

Il fut successivement député, président du conseil, ministre de l’intérieur. Il créera d’ailleurs les célèbres « brigades du tigre » (son surnom à l’assemblée nationale, et embryon de la future Police judiciaire Française). Ce dernier a également exercé les fonctions de ministre de la guerre pendant la première guerre mondiale, et fut l’un des principaux artisans de la victoire Française, ce qui lui valut le surnom de « père la victoire ».
On peut s’étonner de la présence du grand homme, surtout connu pour sa brillante carrière politique, dans cette rubrique consacrée aux anecdotes de chasse. C’est oublier que ce dernier était également un journaliste et un écrivain de talent, chasseur à ses heures.
En 1893, Clemenceau, battu aux élections législatives du Var, connait une traversée du désert de quelques années. Il mettra à profit ce passage à vide politique pour reprendre ses activités de journaliste et d’écrivain.
Le texte ci-dessous a été publié durant cette période, en 1896, dans « Le grand Pan » et relate une partie de chasse en Provence.
« Marignane est un joli village du canton des Martigues, près de l’étang de Berre. (…) En allant faire campagne pour Camille Pelletan, je m’étais fait des amis dans ce coin de soleil. L’un d’eux, qui vit encore, j’espère bien, s’appelait Dupin, dit le Terrible. Ce Terrible, homme excellent qui cachait sa douceur au plus épais d’une barbe enflammée, avait un gendre armurier à Marseille, homme de sport. Nous causons fusil, et me voila invité à venir chasser dans la caillère vaste étendue d’herbages piquée de poteaux au sommet desquels, dans une petite cage, une caille aveugle invite ses camarades à une périlleuse causerie.
-Combien faut-il de cartouches? Demandai-je.
-Trois cents, fit l’homme du midi, d’un ton tranquille.
Au jour dit, j’arrive de Paris avec mes trois cent cartouches et mon chien.
Dès le petit jour, nous sommes en route. On cause le long du chemin.
-Ainsi je vais tirer mes trois cent cartouches.
-Je ne dis pas cela, fit l’autre, mais nous tuerions cent cailles que je n’en serais pas surpris.
Nous étions douze. Je me mis à calculer combien cela m’en ferait pour ma part.
Survint un autre chasseur.
-Le vent n’est pas bon…Enfin, une cinquantaine, ce n’est pas beaucoup.
Assez déconfit, je recommençai mon calcul.
-Qui sait, fit une autre voix, nous en trouverons, peut être…
Il fallait voir ma figure.
Nous arrivions à la porte de la caillère. Pendant qu’on ouvrait la barrière, un cri: « Tirez! Tirez! Tirez donc! » C’est à moi qu’on s’adresse. J’ai mon fusil en main, je regarde partout, je ne vois rien.

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Tout le monde me crie de tirer. J’écarquille les yeux. Vains efforts. Dix coups de fusil éclatent en même temps. Sur le fil de fer du télégraphe une hirondelle était perchée. Vous devinez son destin.
Enfin la chasse commence… Au bout de quatre heures, je n’avais pas vu un papillon.
Tout à coup, à l’entrée d’un bosquet, une table merveilleusement servie. Tous les fruits du Midi, la plus belle eau des fontaines, de la glace, du gibier enfin… mais cuit… Il faudrait toute une chronique pour dire cette étonnante lippée.
Le dessert finissait. On allumait les cigares. Un coup de fusil, je me retourne. Une assiette lancée par un chasseur volait en éclat au-dessus de ma tête. Une autre suivit, puis une bouteille, puis un verre, puis dix. Tout ce qui se trouvait sur la table y passa. Je n’ai pas souvenir d’une aussi belle pétarade.
Etendu sur l’herbe, au frais, je jouissais du ciel bleu. Quand il ne resta plus rien, on vint me dire qu’on se remettait en chasse. Mais je me trouvais bien. Je déclarai que je ne bougeais plus. Voila mes gens partis, puis revenus au bout d’un quart d’heure. Ils ont trouvé une caille. Il faut que je la tue. Je vais à l’endroit indiqué. Mon chien tombe à l’arrêt, et, le coup parti, va chercher la bête. Ce fut un triomphe, un délire, une fête de tout le jour.
Le lendemain les journaux de Marseille annonçaient que j’avais fait un massacre de cailles, et célébraient hyperboliquement mon adresse.
(…) Mais je n’ai pas fini mon histoire.
Deux ans après, l’armurier de Marseille, le gendre de Terrible, m’apprit confidentiellement que la caille de Marignane, dont j’étais si fier, était un appelant aveugle qu’on avait ôté de sa cage pour m’empêcher de rentrer bredouille.
Midi! Midi! Voila de tes coups! »

Quelques ruses…

15 juin 2007 at 21 h 25 min

La saison de la chasse de la caille est très brève. C’est une chasse d’été qui ne dure que l’espace de quelques semaines, le temps de la migration, entre la fin du mois d’août, et le début du mois d’octobre. La chaleur est souvent présente à cette période de l’année et rend particulièrement difficile le travail des chiens. Ils éprouvent souvent de grandes difficultés à localiser des oiseaux de petite taille sur les sols secs.
Les deux principaux moyens de défense des cailles face aux chiens d’arrêts consistent à piéter ou à se blottir. Elle courent entre les rangées d’herbes, dans lesquelles elles laissent leur odeur, tout en entrelaçant leur piste afin de désorienter les chiens. Il n’est pas rare qu’elles tournent autour d’eux, et même parfois autour du chasseur. La caille ne s’envole qu’en dernier recours, quand on s’y attend le moins…
En introduction du chapitre sur la caille des blés, dans l’ouvrage « Anthologie du petit gibier », Jean Jacques Brochier écrit à ce sujet: « La caille ruse, tourne, piète, revient, se coule dans l’herbe verte (…), et le chien le plus patient finit, parfois, par se lasser. Il faut des chiens d’arrêt qui chassent nez au vent; s’ils suivent à la trace, ils deviendront fous au milieu de tous ces lacets. J’ai vu une fois une caille, qui avait plusieurs détours d’avance sur le chien, lui passer entre les pattes, sous le ventre, sans qu’il s’en rende compte, tout obsédé qu’il était à débrouiller l’écheveau. »
Une fois bloquées, elles tiennent généralement bien l’arrêt. Celui ci peut d’ailleurs durer plusieurs minutes (contrairement a certaines inepties que l’on peut entendre -ou lire- ici ou la..).
Même à l’arrêt des chiens, il est difficile de les distinguer au sol en raison de l’excellent mimétisme de leur plumage.

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Elles mettent quelquefois ce temps à profit pour tenter de s’échapper. Souvent après avoir couru 15 ou 20 mètres, elles se lèvent brusquement. Le temps d’épauler, les voici presque hors de portée…
Elles se lèvent seules, parfois en groupe (souvent des nichées). Leur vol est généralement assez bas et rectiligne. Elles ne dédaignent pas à l’occasion faire de petits crochets, surtout lorsqu’il y a du vent.
Une fois levées, elle vont se réfugier habituellement dans les récoltes qui jouxtent le champ ou elles se trouvent (tournesol, mais, etc..). Il est parfois assez difficile à cause de cela de les relever.
Les cailles effectuent à l’occasion des « sauts de crapaud » tout comme les bécasses. Il s’agit de petites envolées « tactiques » et silencieuses. Cela se produit le plus souvent lorsque le chien est occupé à démêler leur piste dans les herbes, et que son attention est attirée ailleurs. La caille en profite pour se lever en voletant, et va se poser sans bruit, quelques mètres plus loin pour l’égarer.
J’ai constaté à plusieurs reprises que les cailles sédentaires de fin de saison, qui avaient été maintes fois levées (et ratées), devenaient de plus en plus difficiles à chasser. Elles finissaient par se lever seules, plus de cinquante mètres devant les chiens, rien qu’à leur seul bruit, ou à celui des chasseurs,(et donc largement hors de portée de tir). Ces perdrix sauvages miniatures avaient sans doute compris que leur seul moyen de salut était la fuite…

Retention d’odeur ?

15 juin 2007 at 21 h 24 min

La rétention d’odeur est un phénomène controversé, et finalement assez peu abordé dans la presse cynégétique. Il s’agirait d’un mécanisme de défense, adopté par certains oiseaux, consistant à retenir les émanations face à un prédateur (et notamment à un chien d’arrêt). On admet que certains gibiers, comme la bécasse, adoptent couramment ce genre de comportements. C’est en réalité un phénomène beaucoup plus large qui concerne également les perdreaux, mais aussi les cailles.
Jean Castaing aborde très prudemment ce sujet dans un article intitulé « Quand le gibier perd son odeur », publié en septembre 1969 dans « Le chasseur Français ». Il définit ce phénomène, qu’il ne tient pas pour absolument certain, bien que constaté par bon nombre de chasseurs au chien d’arrêt .« Il s’agit du fait que des chiens ayant fait amplement preuve de leurs qualités et confirmés sur le gibier qu’ils chassent, détectent la présence d’un tel gibier par leur manière habituelle, le mettent à l’essor, et au point de chute ou de pose du gibier, ces chiens ne retrouvent rien, ne sentent rien, alors que ledit gibier s’y trouve, ainsi que le constatent les chasseurs.(…)»
Ce dernier illustre son propos de quelques exemples concernant la chasse de la caille. Le scénario est bien souvent le même: la caille est arrêtée par le chien. Après avoir été levée dans un chaume, cette dernière soit parce qu’elle est à été manquée, soit parce qu’elle n’a pu être tirée, va se reposer plus loin. Malgré le fait que le chasseur ait exactement repéré le point de pose de l’oiseau, le chien ne parvient pas à le retrouver et à l’arrêter. Cela arrive également quant un oiseau, après avoir été tiré, tombe « comme une pierre », et que le chien, malgré ses efforts ne parvient pas à le retrouver.
Jean Castaing conclut plus loin que ce genre de mésaventure se produit souvent par temps ce chaleur, « et est souvent imputée à la sécheresse, à la chaleur , à la pluie, à l’insuffisance de nez du chien ».

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Même si ces explications sont parfois satisfaisantes, il arrive aussi que ce phénomène ait lieu par temps normal, et avec un chien expérimenté de surcroît, ce qui entraîne quelques interrogations supplémentaires.
Certains auteurs émettent l’hypothèse qu’en raison de l’augmentation de la pression de chasse, et des profonds changements causés par l’agriculture moderne dans les paysages, le gibier à radicalement modifié au cours du siècle dernier ses tactiques de défense.
Robert Flament-Hennebique relève notamment dans son ouvrage, « le poil de la bête », qu’avant 1925 le gibier était « facile » et souligne de très nets changement dans le comportement des perdrix grise. Cela serait dû selon lui au brusque passage d’une polyculture traditionnelle, avec ses assolements et ses haies, à l’agriculture moderne actuelle et ses grands espaces, obligeant le gibier à adapter son mode de défense. Ces modifications de comportement sont également souvent décrites concernant la perdrix rouge, que l’on dit beaucoup plus piéteuse qu’autrefois, et aujourd’hui quasi inabordable pour les chiens d’arrêt sur des reliefs accidentés.
En est-il de même pour la bécasse et la caille avec la rétention d’odeur?
Les écrits de certains chroniqueurs cynégétiques du 19eme siècle, et même du début du 20eme siècle, m’ont souvent surpris. Beaucoup d’auteurs expliquent qu’il n’est pas grave de rater une caille, car on est presque toujours assuré de la retrouver et de la relever. Cassasolles écrivait, par exemple, à propos de la caille: « Elle remise à peu de distance et est très facile à retrouver. »
J’ai souvent constaté, pour ma part, que les cailles manquées essaient, quasi systématiquement, de se remiser dans les récoltes les plus proches, ce qui exclut dans la grande majorité des cas tout espoir de les relever, la chasse dans les récoltes étant bien entendu interdite. Même lorsque la caille se pose à découvert, dans un chaume, le chien à souvent beaucoup de mal à la relever de nouveau.
La très grande fréquence de ces affirmations, qui contredisent complètement ma propre expérience de ce gibier, et celle de nombreux chasseurs spécialisés, me font penser que l’espèce a progressivement modifié son comportement au cours du 20eme siècle, probablement en raison du développement de la chasse au chien d’arrêt.
Il n’est pas irrationnel de penser que les cailles qui avaient recours à la rétention d’odeur ont plus facilement survécu, et qu’elles ont transmis par la suite à leur progéniture cet instinct. Jean Castaing écrivait déjà en 1955 à propos de la caille: « Je ne sais pas s’il existe un gibier mieux doué de la faculté de devenir inodorant quant il est tiré et manqué ou simplement contraint d’abandonner son domicile. Reposée à moins de cent mètres, à découvert, sur terrain ras, la caille est bien souvent irretrouvable. »

Cailles fantômes

15 juin 2007 at 21 h 22 min

Si l’on en croit certains auteurs cynégétiques, la caille est un gibier facile, que le bon chasseur (sous entendu, le bon tireur) se doit de tuer quasi-systématiquement. Seulement voila, dans la réalité, une caille ça peut très bien se manquer…
Voici une anecdote savoureuse racontée par Jean de Witt (1) ou il est question d’honneur à sauver et surtout d’orgueil…
« Il y a dix ans, je chassais dans la plaine de Monheurt (2), soudain j’entendis claquer deux coups de feu à cent mètres de moi. Une caille venait d’être tirée et manquée par un brave homme que je connaissais bien et qui était particulièrement vantard quant aux méthodes qu’il employait pour « ajuster » le gibier. Or donc, la caille était manquée. Je vis mon chasseur se mettre en grande course, s’arrêter au bout de trente mètres, se pencher comme pour ramasser quelque chose… Mais il ne ramassa rien… Il souffla puissamment dans ses mains jointes pour gonfler les plumes illusoires d’une caille inexistante, après quoi, il mit ce néant dans « la carnassière » à double feuille assez cérémonieusement et, se servant de ses mains comme d’un amplificateur, je l’entendis crier dans le lointain triomphalement: « Boudiou, qu’elle est grasse! » Puis il s’éloigna satisfait; son amour propre était sauvegardé. »
(1)Jean de Witt, Gibiers, Editions de la toison d’or, 1950, P.34
(2)Monheurt est un petit village situé dans le Lot et Garonne

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Voici une anecdote personnelle sur le même thème, survenue quelques décennies plus tard.
Elle illustre un autre pêché: l’envie…
Il y a une vingtaine d’année environ, mon père chassait dans un excellent chaume à caille, non loin de la ferme familiale. Il avait emmené avec lui Rod, un braque allemand particulièrement doué. Les arrêts et les tirs s’enchainaient depuis presque une heure déjà lorsque, attiré par le bruit des coups de fusil, G. un chasseur du village voisin, se rapprocha. Le chaume n’étant pas immense, il n’y avait pas de place pour deux chasseurs… Aussi, notre homme vint se poster à l’entrée du champ, attendant son tour avec impatience.
Mais le temps passait, et mon père, qui n’en finissait pas de lever des cailles, ne semblait pas décidé à partir.
Fatigué d’attendre, G. finit par se diriger en compagnie de ses deux chiens vers le champ voisin ou il commença aussitôt à chasser.
Quelques minutes après, notre homme se mit à enchainer les tirs les un après les autres. Intrigué par cette soudaine réussite, mon père observa son concurrent avec davantage d’attention… Détail étrange: les chiens de ce dernier ne prenaient jamais de pose d’arrêt. Il vit également que malgré les bruyants commandement «Apporte ! » lancés dans leur direction après chaque salve, aucun ne bougeait. Mon père finit par réaliser que notre homme tirait des salves de coups de fusil au hasard, afin de faire croire que le chaume ou il se trouvait était infesté de cailles. Une manœuvre destinée à attirer mon père vers le champ voisin, afin de le déloger, puis de lui ravir sa place…

Quelle race de chien utiliser pour la chasser?

15 juin 2007 at 21 h 22 min

La chasse de la caille peut se pratiquer avec presque toutes les races de chiens. Certains utilisent avec succès des chiens leveurs de gibier (type cocker par exemple) ou des labradors qui sont parait il assez efficaces, et ne laissent pas le temps à la caille de déployer ses ruses. J’ai même vu quelques chasseurs utiliser leurs chiens courants, ou même des chiens de terrier, pour les lever.
La plus belle chasse (c’est en tout cas mon avis) se fait à l’aide de chiens d’arrêts. Il en existe une multitude de races, qui peuvent toutes convenir à la chasse de la caille, même si le braque français et l’épagneul breton sont les races les plus citées.
On dit souvent que pour cette chasse il faut utiliser des chiens lents, dotés d’une quête très restreinte.
Dans un remarquable article intitulé « Cailles et chiens de cailles » Jean Castaing écrit à ce sujet « On a dit et écrit souvent qu’un chien de caille est un chien de petits moyens: petite quête, petit nez; on prétend même que cette chasse gâte les meilleurs chiens, notamment en les incitant à pister, à porter le nez bas, ce qui leur ferait perdre le goût, et même les moyens de rechercher l’émanation directe. Ce sont là des slogans émanant de chasseurs n’ayant pas vraiment chassé ce gibier, ou se basant sur des principes faux conçus par des théoriciens en chambre. »

braque français en arrêt sur cailles

L’utilisation de chiens continentaux à quête très courte à pour inconvénient d’obliger le chasseur à monter et à redescendre continuellement le champ. Découper un chaume tranche par tranche peut être long, voire fastidieux.
Cette remarque n’est toutefois valable que pour certaines races de chiens continentaux, ou des sujets peu entreprenants. De nombreux chiens continentaux issus de la sélection des fields, ont une rapidité et une ampleur de quête comparable à celle des setters ou des pointers…
Le principal avantage d’une quête très courte est d’offrir à tout moment au chasseur la possibilité de tirer les oiseaux levés, même accidentellement, par son chien.

Par opposition, les chiens britanniques (mais aussi les continentaux dotés d’une quête moyenne) permettent d’explorer plus rapidement un champ dans sa globalité. Quitte à effectuer par la suite plusieurs passages, en insistant sur les bordures de champ que l’on sait être favorables.
Il y a bien sûr une légère part de risque: il arrive parfois que des cailles s’envolent hors de portée… Quant aux cailles arrêtées, pour peu que le chien sache garder ses distances, l’expérience m’a montré que dans la majorité des cas on a largement le temps d’aller les servir.
Il est vrai en revanche que certains chiens à la quête très rapide et étendue posent problème et ont beaucoup plus de mal à « accrocher » les oiseaux. Ils arrêtent à peine 20 pour cent des cailles présentes, quand d’autres en arrêtent 80. Un simple problème d’entrainement selon certains… Comment expliquer alors la médiocrité persistante de certains chiens malgré leur mise en présence avec des centaines d’oiseaux? Certains d’entre eux -lorsqu’ils sont intelligent et très chasseurs- s’adaptent et réduisent d’eux même leurs allures, dès qu’ils abordent un chaume ou ils ont déjà rencontré des cailles. Il arrive également, et la c’est malheureusement rédhibitoire, que cela provienne d’un manque de qualité de nez.
Le problème provient très certainement des excès de la sélection des field trial et de la perpétuelle recherche de vitesse des éleveurs, mais aussi d’une sélection à sens unique sur la puissance de nez.
Cette dernière, tant recherchée par les éleveurs, n’a rien à voir avec la finesse de nez, ou le « nez d’été », à savoir la capacité d’un chien à trouver du gibier sur des sols desséchés ou par grande chaleur.
Voila pourquoi un bon chien sur perdreaux ne fera pas forcément un bon chien sur cailles… Il vaut mieux donc, si l’on a l’intention de chasser régulièrement cet oiseau s’en tenir à des chiens (qu’ils soient britanniques, ou continentaux) dotés d’une quête moyenne et issus de parents dotés de qualités olfactives adéquates.

braque à l'arrêt sur cailles

L’efficacité au final entre chiens britanniques et continentaux est à peu près identique, et les deux choix restent tout à fait respectables… Le plus important est de choisir une bonne souche au sein de la race choisie (et c’est de loin le moins évident!)
La fragilité de la caille impose des chiens dotés d’une dent douce, sans quoi ces derniers transforment les oiseaux en charpie. Les chiens à la dent dure ont souvent tendance à avaler la caille qu’ils ont abîmé…
Après, c’est le talent individuel du chien qui prime, et le fait qu’il soit mis fréquemment en présence de ce gibier…
Il faut avant tout des chiens très chasseurs, ayant une grande finesse de nez, particulièrement sur sol sec comme c’est le cas à la fin de l’été… Il faut laisser le chien diriger lui même sa quête, et ne pas l’obliger à quêter en lacets réguliers, droit devant lui. Il doit avoir la possibilité d’effectuer si nécessaire des retours en arrière.
Tous les chiens ne sont pas également bons face à ce gibier: il y a des chiens « à caille », au même titre qu’il y a des chiens « bécassiers ».

setter gordon à l'arrêt sur caille E.bellecroix Down

Le choix d’un chien destiné à la chasse de la caille est plus difficile, car il n’existe pas de lignées établies, ce gibier étant dédaigné par les instances cynophiles. L’amateur devra sélectionner lui même ses chiens et bâtir sa propre souche. Il faudra faire preuve de prudence: un chien qui arrête quelques cailles d’élevage chez un dresseur n’est pas une garantie. Mieux vaut choisir un chien provenant de chez un chasseur local, et issu de parents créancés sur cailles sauvages.
Les qualités du chien à caille peuvent être résumées par cette autre citation de Jean Castaing, malheureusement prophétique quant à l’avenir du chien d’arrêt (elle à été écrite en 1961) « Les aptitudes d’un bon chien de cailles ne sont pas celles qui sacrent les grands champions conventionnels; mais si elles sont différentes, elles n’en sont pas moins de grandes qualités, et elles sont plus rares. (…)Les chiens d’arrêt tendent de plus en plus vers une standardisation de leurs moyens qui rendra bientôt illusoire la différenciation de leurs races. C’est en spécialisant des familles de chiens dans des fonctions particulières que l’on maintiendra la raison d’être de leurs races; au lieu de considérer comme des parents pauvres les chasseurs de cailles et leurs chiens, il faut leur rendre hommage: ils maintiennent la tradition de la chasse française et préservent le chien d’arrêt de l’uniformité. »

Un oiseau facile à tirer?

15 juin 2007 at 21 h 20 min

Parmi les citations concernant le tir de la caille, l’une des plus célèbres est sans doute celle d’Elzear Blaze dans « Le chasseur au chien d’arrêt »:
« C’est le gibier qu’on approche et qu’on tue avec le plus de facilités. Sur trente cailles qu’il tire, un chasseur expérimenté doit en tuer vingt huit, s’il n’en tue pas trente. »
Cette citation de Blaze est tout à fait exagérée, et à été très critiquée à son époque. Suite à la publication du livre en 1836, un pari avait même été lancé. Un journal de chasse promettait la somme de mille écus à celui qui abattrait 12 cailles de suite. La chose ne devait pas être si aisée, même à l’époque, car ce pari ne fut jamais relevé…
Certes, le tir de la caille n’est pas comparable à celui d’autres oiseaux « mythiques » comme la gélinotte, la bécassine ou la bécasse, et l’on peut réaliser parfois de belles séries.
La caille est un oiseau qui se « manque » très bien: son tir demande de bons réflexes d’autant plus que l’envol est soudain, rapide, et la cible petite… Il arrive assez fréquemment de voir des cailles effectuer des départs enroulés, ou des zigzags. A. D’Houdetot remarque à ce sujet: « (…)Elle rase le sol et se permet parfois certain petit crochet qui ne serait pas désavoué par une bécassine de profession. »
Joseph de la Vallée écrit également: « Il est d’ailleurs des circonstances qui rendent le tir de la caille fort difficile; si le vent est violent, la caille part rapidement, rase la terre, fait des crochets, et en pareil cas les professeurs eux même jettent du plomb au vent. » Ce dernier conclut plus loin à propos de la caille:« (…)Il est encore très permis de la manquer; mais nous avons tous beaucoup de mémoire pour les pièces que nous avons abattues, tandis que le moindre vent emporte le souvenir des coups que nous avons manqués. »
Selon la plupart des auteurs cynégétiques, on les manque, presque toujours, parce qu’on tire trop bas. Un dicton concernant le tir de la caille existe d’ailleurs: « Haut la caille ou rien à faire; sous le ventre c’est la terre. » Cela veut dire qu’il faut tirer légèrement au dessus de l’oiseau pour bien le « couvrir » lorsqu’il part en queue (ce qui est très souvent les cas).

chasse à la caille

La caille vole rarement plus de 200 ou 300 mètres. Par sa couleur, elle se confond à merveille avec la végétation survolée (chaumes, friches…). Pas facile de la distinguer parfois, surtout au lever du jour!
Les cailles cherchent assez systématiquement l’abri des récoltes sur pieds, pour peu qu’il y en ait à portée d’aile, ce qui exclut de les relever une seconde fois dans 80 pour cent des cas, hormis dans de grands chaumes. Elles n’en ressortiront qu’une fois tout danger écarté…
Petit détail, qui à sont importance… Le rechargement doit être quasi immédiat après les tirs. Il n’est pas rare en effet que d’autres cailles se lèvent en décalé… C’est râlant lorsque le fusil est vide! une fois acquis, ce petit réflexe rend souvent service.
La caille est un oiseau à la chair délicate, voire fragile. Il faut donc éviter à tout prix de l’abimer lors du tir, qui ne doit pas s’effectuer de trop prés (c’est à dire à moins de 15 ou 20 mètres). Il est conseillé évidemment d’utiliser du petit plomb (entre le No 12 et le No 9, le No 10 étant le plus fréquemment employé).
L’utilisation de munitions ordinaires (bourres à jupes), voire même de cartouches type ball trap s’avère tout à fait suffisante.

Quelques chiffres pour terminer… Dans son ouvrage « Bécassines et perdreaux », publié en 1951, Gaston Rambaud consacre un chapitre aux records de chasse. Autre époque ou le bon chasseur était celui qui tuait le plus de gibier possible, et n’hésitait pas à s’en glorifier…
Il écrit à propos des cailles: « Cinq fusils ont tué 980 cailles à Siguenza (Espagne), il y a quelques années, dans une journée de chasse. A Port Elizabeth (Colonie du Cap), M.W Armstrong a tué 564 cailles en 12 heures et demie de chasse réparties sur quatre jours consécutifs ».